dimanche 30 août 2015

L'instant Kiwi: Auckland, suite et fin


Je finis enfin cette série d’articles (qui s’est avérée vachement plus longue que prévue), pour te donner un aperçu d’Auckland via les suburbs qui la composent.

Voici donc mon top 10 des quartiers les plus importants :

1. Le CBD


Le CBD (acronyme pour Central Business District), c’est le centre-ville. On y trouve des magasins, l’université, le jardin botanique, le musée, le théâtre, et surtout plein, plein de bureaux, car c’est le quartier des affaires. 

Le fleuron du CBD, c’est évidemment la Sky Tower, une tour de 328 mètres de haut, et, comme chaque Kiwi ne manquera pas de te le rappeler :

- La plus haute structure érigée par l’homme de tout l’hémisphère Sud ! Et toc les Aussies !

La Sky Tower est relativement récente, vu qu’elle a été ouverte en 1997, et contient des plateformes d’observation, un restaurant panoramique qui tourne, l’obligatoire plateforme de bungee jumping, et… c’est tout.

En fait, on dirait pas à la voir comme ça, mais la Sky Tower est super fine, et dans toute la partie pilier, y’a en fait de la place que pour les ascenseurs.


(C’était bien la peine de construire un truc aussi haut pour ça.)

Bon, après, je suis mauvaise langue, parce que la Sky Tower est aussi un émetteur radio géant, et c’est grâce à elle qu’on capte la radio jusqu’à Bombay.

(Bombay à Waikato, hein, pas Bombay en Inde.)

2. Le North Shore


Au Nord du CBD, on passe un grand pont, et on arrive au North Shore, une aire très vaste et en plein boom de développement, car bien moins chère que le reste d’Auckland.

Comment savoir si un Aucklandais vit au North Shore ? Attends environ trente secondes de conversation, et si tu entends les mots « bridge » et « traffic », c’est le bingo ! 

Car oui, le sujet de conversation numéro 1 au North Shore est celui du transport (qui est de base l’un des sujets favoris des Aucklandais, avec le rugby et la météo). Parce que le North Shore est complètement coupé du reste d’Auckland par la mer. 

Pour se déplacer vers le Sud, TOUS les habitants doivent donc passer par le MÊME pont. 


(Je te laisse donc imaginer le plaisir de prendre ce pont un lundi à 7h30 du matin.)

Comble de malheur, les transports en commun déjà bien maigres dans le reste de la ville ne s’étendent pas jusqu’au North Shore (pas de trains, très peu de ferrys, et des bus qui restent bloqués sur le pont avec les voitures). Ça fait des années que la ville d’Auckland promet de trouver une solution, et notamment d’étendre le réseau de trains, mais pour le moment, aucun changement.

Les gens au North Shore vivent souvent avec un rythme décalé, pour éviter les problèmes de bouchons. Si tu bosses à Auckland centre, tu reconnais donc facilement tes collègues du North Shore : c’est ceux qui sont déjà là quand tu arrives, et qui partent à 15h30 en faisant « Han nan putain ça va déjà être l’heure de pointe merde merde merde ».

Pour résumer, il y a deux avantages à vivre au North Shore : 1. Le logement est moins cher, et 2. Aucun patron ne va jamais contester ton excuse quand tu te pointeras avec une heure de retard. 

3. West Auckland/Waitakere


Les habitants de West Auckland sont appelés « Westies », et j’ai toujours pas réussi à comprendre si c’est une insulte ou non. Au départ, c’était clairement péjoratif : le terme « Westie » s’utilisait comme un synonyme de « beauf », pour désigner une tranche de la population relativement bas sur l’échelle sociale, peu éduquée, et vulgaire. (Pense « Joggings Adidas et leggings léopard ».) Ceci parce que West Auckland était une zone où vivaient principalement des ouvriers. Mais avec la hausse des prix, la démographie du coin a changé, et les gens s’appellent maintenant « Westies » sans qu’il semble y avoir de connotation négative. 

À West Auckland, tu trouveras aujourd’hui surtout des militaires (les bases de la Royal Air Force sont toutes proches) et des sportifs, attirés par la proximité de Waitakere Ranges, un grand parc naturel super chouette.

(Le genre de personnes qui font que manger du granola et qui mettent des T-Shirts avec soutif intégré.)

4. Manukau/South Auckland


D’après les Kiwis, le quartier craignos ; d’après les gens normaux, le quartier pauvre.

Je l’ai déjà dit et je le répète : les Kiwis sont bien mignons dans leur monde de gentils Ewoks, mais ils n’ont strictement aucune idée de ce qui « craignos » signifie vraiment. Ils pensent qu’ils savent, mais ils savent pas. Toutes leurs notions d’insécurité sont basées uniquement sur le type de population vivant à un endroit donné (si x=pauvres et y=basané, alors z=danger).

Je ne compte plus le nombre de fois où on m’a dit de verrouiller ma voiture si je traversais Manukau (genre c’est Walking Dead, les gens vont se jeter sur ta caisse pendant que tu roules) ou de ne pas marcher de nuit à Otara (c’est quoi le deal, c’est comme Minecraft ? si je reste dehors après la tombée du jour, y’a des squelettes qui viennent me taper ?) et à chaque fois je leur dis STOP, arrête-toi de parler tout de suite Micheline, tu jettes l’opprobre sur ta personne à chaque seconde qui passe. 

Parce que ces quartiers ne sont PAS craignos. C’est des pavillons un peu moches et des jardins pleins de pièces détachées. C’est tout. Pas de graffitis, pas d’abribus vandalisés, pas de poubelles cramées. Personne qui t’agresse, personne qui te rackette, personne qui t’insulte, personne qui te bouscule, personne qui crache des mollards glaireux juste à tes pieds quand tu passes dans la rue. 

(Y’a des quartiers respectables à Strasbourg qui sont loin d’afficher ce degré de sympathie.)

Mais les bons Kiwis bien obtus évitent encore et toujours South Auckland, par peur, sans doute, de se faire égorger et manger en rôti s’ils restent sur place plus d’une-demi seconde.

(Les mecs, tu les emmènes en banlieue parisienne, ils vont se croire à Beyrouth.)

5. Newmarket


Le quartier chic et branché pour jeune cadre dynamique pété de fric.

Situé pas très loin du CBD (mais assez loin quand même pour que ce ne soit pas trop la galère d’y accéder), Newmarket concentre tout ce qu’Auckland arrive à fournir en matière de classe et de sophistication.

Donc, si tu cherches des meubles design importés du Danemark ou des restaurants nouvelle cuisine fusion, ou simplement si t’as un million de dollars sous la main et que tu irais bien t’acheter la nouvelle Mini Cooper, c’est là qu’il faut aller.

6. Ponsonby


Le quartier bobo/hipster pour tattoo artist à succès ou retraité cosmopolitain qui ne sait pas quoi faire de sa thune.

Situé juste à côté du CBD et à l’exact opposé de Newmarket, Ponsonby est LE quartier le plus cher de toute la ville, et d’ailleurs de tout le pays (compte un million et demi de dollars en moyenne pour une maison). 

C’est aussi LE quartier branché par excellence, et c’est facile à reconnaître : c’est le seul endroit de la ville où il y a de l’animation passé 20h30. On y trouve des boutiques de designers locaux, des créateurs de mode, des salons de tatouage, des studios de peinture, des galeries d’art, et à peu près cinq mille restaurants ambiance cantine rétro où tu raques cent boules pour manger des frites dans des petits seaux en étain.

Le Ponsonbien par excellence est donc riche, branché, bobo, fêtard, et bien souvent étranger (vu qu’un Kiwi fêtard, c’est un peu comme un Allemand en retard : une aberration de la nature). 

Donc, si tu veux rencontrer des artistes Brésiliens ou des tatoueurs Américains, direction Ponsonby !

7. Parnell


Alias la Foire aux Français. Également l’un des quartiers les plus beaux et les plus anciens (et les plus chers) d’Auckland. 

Situe à équidistance entre Newmarket et le CBD, Parnell est un quartier calme et paisible, et surtout hyper joli. Chaque maison du coin est estampillée bâtiment historique (parce qu’elle date d’avant 1950) (ils sont tellement mignons) et on y trouve environ huit millions d’antiquaires.

Parnell est également l’endroit où se tient tous les week-ends le marché français, véritable institution d’Auckland, et qui explique pourquoi la majorité des Français riches vivent dans le coin (parce que c’est eux qui vendent les produits au marché.)

(Et si tu te demandes comment on peut devenir riche en vendant du fromage sur un marché, viens jeter un œil aux prix et tu comprendras vite.)

8. Remuera


(Si t'as pas de piscine à Remuera, t'as raté ta vie.)

(C'est une blague.)

(Parce que c'est impossible de trouver une maison sans piscine à Remuera de toute façon.)

Remuera n’est étonnamment pas le quartier le plus cher d’Auckland (même s’il reste dans le top 5), mais son nom est passé dans la culture populaire comme synonyme de la haute bourgeoisie, ou du moins ce qui s’en approche dans un pays sans classe (dans tous les sens du terme).

C’est un quartier très beau, avec des maisons qui tiennent plus du manoir qu’autre chose, et c’est rempli de gens dont tu voudrais usurper l’identité.

(Si si, crois-moi.)

Petite anecdote marrante : le reste de la Nouvelle-Zelande se réfère aux 4X4 urbains (grosse grosse passion à Auckland) comme de « Remuera tractors », ce qui me fait beaucoup rigoler.

9. Howick


AKA « Chinatown ». Howick et les quartiers alentour (Pakuranga, Botany) concentrent la majorité de la population Chinoise d’Auckland, donc, si tu cherches du tofu soyeux ou que tu as l’envie soudaine d’acheter un sac de onze kilos de pousses de soja, c’est par là qu’il faut aller.

(J’ai aussi vu des sacs de 50 kilos de riz dans les supermarchés chinois, et je cherche encore qui peut bien acheter ça.)

(« Oh chérie, regarde ! Si on achète ça d’un coup plutôt que cinquante paquets individuels sur trois ans, on économise presque deux dollars ! »)

Howick est aussi le siège du village historique, un genre d’Écomusée en moins bien (ils ont pas de canards). Donc, si tu as un enfant qui va à l’école à Auckland, il va forcément y faire au moins une sortie par an, et s’y faire chier à mort.

(C’est un genre de rite de passage.)

(Comme les sorties scolaires en Alsace, mais avec moins de camps de concentration.)

10. Mount Eden 


Le seul quartier à abriter à la fois un volcan, une prison, et un stade de rugby. (Et tout ça sur seulement cinq pâtés de maison !)

Aussi connu comme le quartier où tout le monde déteste habiter, puisque c’est là que se situe Eden Park, le plus grand stade du pays (capacité : cinquante mille personnes - soit 1% du pays entier, quand même) et que c’est notamment ici que jouent les All Blacks. Donc, si jamais tu viens d’arriver à Auckland et que tu te dis :

- Dis donc, c’est vraiment raisonnable, les loyers sur Mount Eden ! En plus c’est pas loin du CBD, c’est chouette !

Dis-toi que si une offre a l’air trop belle pour être vraie, c’est qu’elle l’est probablement.

(En gros : prépare-toi à t’emmurer chez toi avec des boules Quiès les soirs de match.)

Bonus : Waiheke Island


Bon, techniquement, Waiheke ne fait pas partie d’Auckland, parce que c’est une île. Mais je la mets quand même dans le tas, parce que c’est très proche du CBD (une-demi-heure en ferry).

La particularité de Waiheke, c’est donc qu’elle n’est donc accessible qu’en bateau… ou en hélicoptère, pour ceux qui en ont les moyens. Et, disons-le tout de suite, pour t’acheter une villa sur Waiheke, on part du principe que tu possèdes déjà un hélicoptère, parce que c’est MEGA CHER.

Sauf que Waiheke, non seulement c’est cher, mais en plus c’est hyper galère pour y aller : il n’existe que deux routes de ferry, situées à chaque extrémité de l’ile, et attention c’est là que ça devient fun : du côté Ouest, c’est UNIQUEMENT un ferry passagers, et du côté Est, c’est UNIQUEMENT un ferry véhicules. Ajoute à ça que les ferrys ne tournent que de 7h à 22h en semaine, et de 7h à 18h30 (sérieusement ?) le week-end, et tu comprendras que c’est légèrement chaud de vivre sur Waiheke si on travaille à Auckland.

Du coup, Waiheke est peuple de trois catégories de gens :

1. Des millionnaires qui ont leur résidence secondaire ici, et qui viennent en hélico (ou avec leur yacht).
2. Des viticulteurs qui bossent sur place, car Waiheke est réputée pour ses vins.
3. Des retraités reconvertis en artistes du dimanche ou artisans, et qui vendent leurs céramiques moches ou leurs savons à la papaye aux touristes sur le marché du samedi matin.

J’ajouterai enfin que Waiheke est inexplicablement le lieu le plus prisé des Aucklandais pour les mariages, et je dis « inexplicablement » parce qu’organiser son mariage là-bas, ça équivaut à dire :

- Nan, organiser un mariage, c’est pas une tâche suffisamment chiante. 
- Et si on l’organisait sur une ile où aucun des invites ou des prestataires n’habite ? Comme ça on les ferait tous venir en même temps sur un minuscule ferry qui part une fois l’heure, puis on les ferait marcher et/ou louer des voitures jusqu’à la réception, et on arrêterait arbitrairement les réjouissances à 17h30 pour qu’ils puissent repartir avec le dernier bateau.
- Impec !

(Ces gens sont des malades mentaux.)

Voilà, on a fait le tour d’Auckland. 

Le TL ;DR pour les paresseux : Auckland, c’est nul à visiter, mais c’est bien pour y habiter. 

Sincèrement, Auckland est une ville que j’aime beaucoup (même si je lui ai cassé pas mal de sucre sur le dos dans cette série d’articles) ; j’aime avoir mon jardin, j’aime ne pas avoir de voisins au-dessus de ma tête, j’aime conduire sur ces routes assez larges pour faire passer des tanks, j’aime le fait que je trouve toujours une place de parking et que j’ai pas fait de créneau depuis 2012, j’aime avoir la plage juste à côté même si en vrai j’y vais genre deux fois l’an, juste parce que des fois le matin je sors de chez moi et ça sent les embruns et sérieusement c’est un truc qui me tue mais cette ville sent toujours BON.

Du coup, j’espère qu’en plus de t’instruire, cette série d’articles t’a aussi donné envie de venir habiter ici.

(Et si jamais tu viens t’établir, amène-moi des Kinder et du chou à choucroute.)

Au final, si je devais noter Auckland sur une échelle de 0 à 10, je lui mettrais un 8.

(Un point un moins pour le manque de transports en commun, et un point parce que ça manque tout de même furieusement de fromage.)

Bon, et comme je vais pas tout faire toute seule non plus, maintenant c’est ton tour : si tu devais évaluer la ville/le village où tu habites, tu lui mettrais quelle note ?

Lâche tes com’s !

mercredi 26 août 2015

L'Instant Kiwi: Auckland, Livre III


Bon alors on cause, on cause, mais avec tout ça, je t’ai même pas encore parlé d’Auckland même.

Alors tout d’abord, des bases de géographie : Auckland, c’est ici :


C’est donc au Nord de l’Ile du Nord, dans le golfe de Hauraki (prononcer « Hha-ou-ra-ki » en roulant un peu le R pour les puristes du Maori, ou « Hha-ra-kee » si vous êtes un Kiwi qui s’en fout). Le mot signifie « Vent du Nord » et c’est bien normal, parce qu’on a le vent du Nord qui souffle presque tout le temps, ce qui garantit un climat doux.

(Ah ben ouais, tout est à l’envers ici, donc le vent du Nord, c’est celui qui est chaud.)

Auckland était déjà une région habitée quand les colons sont arrivés, puisque les Maoris y vivaient depuis le XIVe siècle. La région était moins froide que les plateaux du Sud et était super fertile, ci-mer les trois mille volcans qui entourent Auckland (et qui sont toujours techniquement actifs).


(Le Mont Wellington, juste à côté de ma maison, eh ben c’est un volcan.)

(On cherche pas la merde du tout.)

Étymologiquement, Auckland, comme presque toutes les grandes et moyennes villes de Nouvelle-Zélande (Wellington, Christchurch, Queenstown, Gisborne, Napier, Hamilton, New Plymouth, etc.) a un nom anglais, et non pas un nom maori. Pas tellement dans un effort de la part des colons de supprimer la toponymie maorie (la grande majorité des lieux en Nouvelle-Zélande porte les noms d’origine), mais plutôt parce que c’était le summum du lèche-cul à l’époque de renommer les villes coloniales d’après ses supérieurs hiérarchiques, histoire de se faire mousser.

(Un peu comme si aujourd’hui, le maire de Paris décidait de renommer la ville Hollandsbourg, pour cirer les pompes du président.)

Auckland, donc, a été nommée par le Gouverneur de l’époque d’après un mec qui s’appelait George Eden, Comte d’Auckland, et était à ce moment-là Gouverneur général des Indes. Aucun rapport a priori, sauf que le Gouverneur de Nouvelle-Zélande le connaissait bien, et chais pas trop, peut-être que c’était son pote et qu’il voulait lui donner un p’tit kif genre "Eyyyy bro I named my new city after you, eh ?", ou peut-être qu’il voulait une promotion mais qu’il était pas d’accord pour sucer, le mystère reste complet. 

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que la ville est maintenant nommée Auckland, d’après un type qui n’y a jamais mis les pieds.

(Petit aparté : un quartier d’Auckland s’appelle Mount Eden, encore une fois nommé d’après George Eden.) 

(Vas-y mollo sur le cirage, monsieur le Gouverneur, ça va se voir.)

Niveau climat, j’en ai déjà parlé moult et moult fois sur ce blog donc je ne vais pas m’attarder dessus, mais les deux mots à retenir, c’est « doux » et « humide ». On est en effet en pleine zone subtropicale, ce qui n’est pas aussi exotique que le nom pourrait l’indiquer parce qu’en gros on se tape le même climat qu’en Normandie.

(Glamour.)

À Auckland, donc, le mot d’ordre, c’est la constance → comprendre : il fait 15 degrés toute l’année et il s’arrête jamais de pleuvoir. Ce qui est super quand on veut faire du jardinage, mais moins super quand on est un être humain qui aime le soleil.

(Flaxou le vampire, en revanche, est comme un coq en pâte.)

Bon, évidemment, je force un peu le trait, mais pour quelqu’un comme moi, qui a grandi dans le climat semi-continental de l’Alsace, c’est un peu raide de devoir d’un seul coup affronter des hivers super doux (on ne descend jamais au-dessous de 10 degrés – et y’a pas de neige), des étés hyper frais (tu peux espérer 26 degrés en journée – journée pendant laquelle les Aucklandais passeront leur temps à geindre et à pousser la clim’ à fond les ballons, car le Kiwi est à l’aise seulement entre 15 et 20 degrés) et, surtout, des barils et des barils de pluie.

(On a quand même régulièrement des week-ends où il pleut l’intégralité d’un mois de novembre à Strasbourg.)

Donc, en résumé, le climat d’Auckland : ma santé lui dit merci pour les hivers sans gel, ma peau lui dit merci pour son hydratation tip top, ma garde-robe lui dit pffff parce qu’on s’habille pareil tout l’année, et mes cheveux lui font un GROS DOIGT.



(Illustration : moi, tous les jours, toute l’année.)

Géographiquement, la région d’Auckland est plutôt plate, sauf pour les volcans qui pointent leur nez un peu partout. J’ai dit trois mille plus haut en figure de style, mais en vrai, y’a quand même une cinquantaine de volcans repartis sur toute la zone constructible de la ville. Fun fact, Auckland est d’ailleurs la seule ville au monde bâtie sur un champ volcanique basaltique encore actif. En gros, même s’il n’y a pas eu d’explosion récente, ça peut péter n’importe quand dans les cent millénaires à venir. 

(Après  ça, normalement, on sera tranquilles.)

Et quand je dis qu’il n’y a pas eu d’explosion récente, faut le prendre avec des pincettes, parce que, par exemple, l’ile de Rangitoto (juste au Nord de la city) est en fait un volcan qui a surgi du sol y’a à peine mille ans, ce qui est absolument peanuts en années géologiques.

Mais tu crois que ça ferait peur aux Aucklandais ? Que dalle !

Les gars ont quand même créé un tout nouveau quartier résidentiel, le bien nommé Stonefields, en creusant direct dans un ancien flot de lave solidifié au pied du volcan Maungarei (Mount Wellington).


(C’est peut-être des ploucs, mais ils sont couillus.)

Niveau logement, j’ai déjà évoqué sur ce blog qu’à Auckland c’est complètement ‘port nawak, donc je ne m’attarderai pas plus sur le sujet. Je te laisse juste avec un petit comparatif de prix : pour acheter une maison en Nouvelle-Zélande, il faut compter en moyenne cinq cent mille dollars pour une maison en ville, et 25% à 50% moins cher en campagne (le prix varie selon la paumitude de l’endroit dans lequel tu vas t’enterrer). 

À Auckland, le prix moyen d’une petite maison (deux-trois chambres, une salle de bains), c’est UN. MILLION. DE. DOLLARS.

Donc quand t’es millionnaire en France, t’as des putes et de la coke. Et quand t’es millionnaire à Auckland, t’as… une petite maison.


Et puis bon, je ne m’attarderai pas sur les transports à Auckland parce que j’en ai déjà parlé ici et là.

Entrons maintenant dans le vif du sujet : chausse tes lunettes et fais bien attention, on va parler des suburbs.

Les suburbs (en anglais « banlieues ») (prononcer "seu-beurbe") désignent les différents quartiers qui composent Auckland, et c’est le cauchemar de tout nouvel habitant.

Pourquoi ? Deux raisons : 

D’abord, parce qu’Auckland étant composée majoritairement de maisons individuelles, la ville s’étend sur une très, très grande surface : plus de mille kilomètres carrés (soit à peu près la moitié de l’aire de Paris).

Et le problème numéro deux, c’est qu’un « suburb » Aucklandais est ridiculement petit.

Genre, t’as deux rues ? T’as un magasin ? Félicitations, tu es un suburb.

Résultat, les conversations avec les Aucklandais, ça donne souvent ça :

- Tu connais un bon restau indien près de Panmure ?
- J’en connais un bon sur Penrose, mais si tu n’as pas peur d’aller plus loin, y’en a un super a Henderson !
- C’est ou déjà, Henderson ?
- Tu vois Hobsonville ?
- Non.
- Tu vois New Lynn ?
- Non.
- Tu vois Glen Eden ?
- Non.
- Tu vois Waitakere ?
- Oui.
- Ben c’est à côté. Juste au Sud de Lincoln, et au Nord de McLaren Park.
- Vers Sunnyvale ?
- Non, juste avant. Juste après Western Heights.
- Aaaaaah, okay, je vois !




(Pendant ce temps-là, le reste du monde)

Et tout ça, c’est dans une zone de dix bornes de long! Et je n’ai nommé qu’une infime partie d’Auckland Ouest!

Moi, par exemple, j’habite à Panmure, je fais mes courses à Pakuranga, je vais à la gym à Glen Innes, et, quand je veux prendre le bus, je marche jusqu’à Mount Wellington. 

Mais c’est ridicule ! 

POURQUOI s’amuser à donner des noms à chaque pâté de maison, et ensuite se donner la peine de RETENIR tous ces noms ? Est-ce qu’on ne pourrait pas faire comme tout le monde et dire « A côté du cinéma » ou « Deux rues après le concessionnaire Ford » ?

Eh bien figure-toi que ça me dérangeait tellement, cette histoire, que, le jour où on m’a présenté une fille qui bosse chez NZ Post, je lui ai sauté à la gorge en disant :

- LES SUBURBS, POURQUOI LES SUBURBS, IL ME FAUT DES RÉPONSES !



Et comme elle était sympa, elle m’a répondu très simplement :

- Bah, si on n’avait pas les suburbs, on saurait jamais où livrer le courrier !

Et j’allais répondre « Tu te fous de ma gueule Micheline, les noms de rue c’est pas fait pour les poules », quand soudain, je me suis rappelé d’un truc :

TOUTES LES RUES ONT LE MÊME NOM.

Sans déconner, j’avais dit une fois sur ce blog que, question toponymie, les Maoris n’étaient pas les gens les plus imaginatifs du monde (rapport au fait que tous les noms de lieux se traduisent en choses comme « la rivière qui va vite », « l’endroit où y’a plein de vent », et autres « la forêt où il pleut la nuit »). Bon. Soit.

Mais au moins ils étaient logiques dans leur démarche !

Parce que les Kiwis, ils ont appliqué leur système vu plus haut pour TOUT !

Et comme c’est tous des monarchistes dégénérés, ce qui devait arriver arriva : à Auckland, on a cinq Queen Street, trois Queens Road, un Queens Drive, et un Queens Avenue. (Idem pour Kings Road, Kings Street, et King Avenue.) Donc vas-y pour t’y retrouver là-dedans si t’as pas le nom du suburb.

Et je ne parle même pas de Great South Road et Great North Road, les cauchemars des postiers.

Allez, si, j’en parle vite fait.

Great South Road et Great North Road sont, comme leurs noms indiquent, deux grandes rues qui, comme leurs noms indiquent pas du tout, traversent Auckland en partant du centre-ville et en allant respectivement vers l’Est et vers l’Ouest. Les routes ont été construites en même temps que la ville, et Great South Road était notamment un projet pour relier Auckland et Hamilton, avant que les autoroutes ne soient construites.

Bon tout ça c’est bien beau, mais ça ne t’explique pas le problème.

Le problème, c’est que Great South Road, par exemple, fait 100 kilomètres de long. Et que, sur ces cent kilomètres, les gens n’ont pas suivi l’ordre normal pour les numéros de rue ! Au lieu de dire « Bon, ici c’est le numéro 1, on continue jusqu’à la fin de la route et ce sera le numéro 3546 » (à l’américaine), à la place, ils ont fait « Non non ! Moi je veux que ma maison elle soit numéro 1. Donc on dit que d’ici à là c’est 1 jusqu’à 325, et puis ça redevient le numéro 1, et on recommence. »


(Ces gens sont des malades mentaux.)

Et comme une petite image vaut mieux qu’un long discours, voilà une petite illustration de l’utilité des suburbs :


(Par contre, j’ai toujours pas compris pourquoi c’est jugé utile de s’y référer constamment à l’oral.)

Je ne vais donc pas te détailler tous les suburbs d’Auckland, sinon on y sera encore dans trois jours, mais je vais quand même te résumer les quartiers principaux qui font toute la saveur de cette ville.

Et ça, ce sera dans le prochain (et dernier) article de la série !

À bientôt !

samedi 22 août 2015

L'Instant Kiwi: Auckland, Livre II


Je t’ai déjà dit qu’Auckland compte un million et demi d’habitants, et tu t’es peut-être dit « ah ouais, c’est assez grand ». Mais en réalité, sur l’échelle du pays, c’est ÉNORME. Ça fait un tiers de la population du pays entier.

(Proportionnellement, c’est comme si Paris comptait 22 millions d’habitants.)

Du coup, dans les nouvelles nationales, c’est quand même très souvent Auckland qui tient le crachoir (surtout dans les rubriques « Économie », « Business », « Sports » et « Faits divers »). Et le reste de la population a de plus en plus tendance à mépriser les Aucklandais, cf. la recrudescence ces dernières années du terme « JAFA », acronyme pour « Just Another Fucking Aucklander ».

Pourquoi tant de haine ? C’est simple : comme tout habitant des grandes villes, les Aucklandais ne se sentent pas pisser.

Du coup, vas-y que je te bloque toutes les routes du pays à chaque départ en vacances, vas-y que je me ridiculise auprès des Kiwis ruraux parce que j’ai jamais mis les pieds dans un champ de patates douces, et vas-y que je te rabaisse les locaux sans même m’en rendre compte à coups de « C’est mignon chez vous en province, c’est champêtre ». Bref, des grands classiques.


À ceci près que la dichotomie monde urbain/monde rural est quand même beaucoup moins marquée qu’en Europe, parce que, les Aucklandais ont beau vivre en ville, et certains d’entre eux ont beau essayer de toutes leurs forces de vivre un « urban lifestlye »,
ça reste quand même des bons gros ploucs.

(Sophistiqué mes couilles oui, CES GENS NE METTENT PAS DE CHAUSSURES.)

(À quel moment est-ce qu’on peut se voiler la face suffisamment pour s’imaginer être quelqu’un de branché, quand on fait partie des gens qui vont faire leurs courses pieds nus, escortés de mômes en pyjama ?)



(Les Aucklandais au supermarché, une illustration.)

Bref.

Toujours est-il que, quand Flaxou et moi on part crapahuter dans le bush, on privilégie l’aspect « On est des Français » plutôt que de dire « On vit à Auckland », ça évite qu’on se fasse traiter de JAFAs derrière notre dos.

(Car, gros avantage, les Français ont le droit d’être prout-prout.)

(Limite ils seraient déçus s’ils apprenaient qu’on fait aussi nos courses en pyjama, comme tout le monde.)

J’avoue qu’au départ, j’étais étonnée de la manière dont les Aucklandais sont perçus dans le reste du pays, parce qu’on parle quand même du tiers de la population totale, donc est-ce que ce n’est pas un peu se tirer une balle dans le pied que de détester en bloc un tiers de ses compatriotes ?

Et puis ensuite, j’ai vu le terme JAFA utilisé à Auckland. Genre, y’a une entreprise de taxis qui s’appellent JafaCabs, un bar qui s’appelle JAFA pub, et le New Zealand Herald (dont les bureaux sont basés ici) utilise souvent le terme comme synonyme d’ « Aucklandais » (sans connotation négative). Donc là, j’étais encore plus étonnée, jusqu’à ce que l’on m’informe que les Aucklandais avaient décidé de se réapproprier le terme JAFA, et d’en fait l’acronyme de « Just Another Fantastic Aucklander ».

Sérieusement ?

C’est un peu le coup du môme rejeté à l’école que personne n’invite aux anniversaires et à qui ses parents disent « C’est parce que tu es trop intelligente, tu intimides les autres enfants, mais en vrai tout le monde t’aime, Charlotte ».

(Flash info : ceci était une anecdote réelle.)

(Autre flash info : les parents sont des gros menteurs.)

Et donc, les Aucklandais ont décidé de se renommer « gens les plus géniaux et les plus cools du monde », parce qu’ils sont intimement persuadés que l’inimité ressentie à leur égard dans le reste du pays est en fait de l’envie, parce que tous les autres Kiwis sont jaloux de ne pas avoir le privilège de vivre à Auckland.

Donc maintenant je comprends un peu mieux pourquoi tout le monde les déteste.




(Bloody JAFAs.)

Il faut dire aussi qu’Auckland est une ville à part du reste de la Nouvelle-Zélande, et cette culture spécifique y est surement pour beaucoup dans son rejet.

Déjà, Auckland, c’est au Nord. Très au Nord. Donc rien qu’au niveau géographique, je conçois que ça puisse être assez balèze pour un gus de l’Ile du Sud de se sentir culturellement proche de gens qui vivent, non seulement a mille bornes, mais en plus sur une autre île, et même carrément dans un autre climat.

(Difficile pour le mec qui vit à Queenstown sous dix mètres de neiges éternelles de se farcir le JT National qui répète en boucle que l’autre jour, ouah dis donc, y’a eu un millimètre de grêlons à Auckland et même qu’ils ont mis au moins dix minutes avant de fondre complètement, zyva la panique totale.)

(Un peu comme toi et moi on rigole quand on voit le JT Français l’hiver, qui nous montre des Parisiens terrifiés par deux flocons de neige.)

Et l’autre facette de cette culture à part, c’est les habitants d’Auckland. Avec 40% de sa population née à l’étranger (contre 25% dans le reste du pays), Auckland concentre la quasi-totalité des immigrants en Nouvelle-Zélande – ce qui est logique, vu que c’est l’endroit où l’on trouve du travail le plus facilement : Wellington concentre majoritairement des emplois de la fonction publique (occupés par des citoyens uniquement) et Christchurch souffre toujours du contrecoup du tremblement de terre de 2011, et donc, à part les gens qui bossent dans la construction, plus personne ne veut y aller.

(En plus Christchurch c’est plein de skinheads, alors le choix est vite fait.)

Du coup, c’est pas étonnant que la majorité des gens immigrant en Nouvelle-Zélande se retrouvent à Auckland (fun fact : Auckland est la plus grande ville polynésienne du monde, en nombre d’habitants).

Et les Kiwis sont bien rapides à s’écrier que leur identité nationale complètement volée aux Anglais dès le départ se perd dans cet infâme melting pot… en oubliant que, la première source d’immigration à Auckland, ça reste les Kiwis eux-mêmes : parce que oui, rappelons-le, plus de 50 Néo-Zélandais déménagent à Auckland chaque jour, des étoiles plein les yeux et la tête pleine de rêves à l’idée de goûter enfin ce doux rêve urbain.



(Han, qu'est-ce que j'ai hâte de chausser mes bottes en caoutchouc pour marcher dans des rues pavées!)

Pour résumer : Auckland a un attrait paradoxal dans le reste du pays : d’un côté, les Aucklandais ont une super mauvaise réputation : on les juge hautains (alors que franchement pas), désagréables (alors que c’est les Bisounours les plus gentils du monde), et trop sophistiqués (LOL).

J’ai aussi entendu qu’il y a un cliché comme quoi les Aucklandais seraient de mauvais automobilistes, et tout ce que je peux dire là-dessus, c’est : sérieux, ne viens jamais en France.

(Rappelons que je n’ai toujours pas entendu le son d’un klaxon dans ce pays.)

(Pourtant je sais qu’ils existent, un jour j’ai utilisé le mien.)

(C’était par erreur, j’ai appuyé dessus en faisant une manœuvre pour entrer dans le garage.)

(Et j’ai failli mourir d’une crise cardiaque tellement je suis plus habituée à ce son.)

Bref.

Mais malgré cette mauvaise image, les Kiwis continuent de déménager en masse vers Auckland, principalement pour trouver du boulot (et arrêter de se geler les miches dans des maisons pas isolées au milieu de la neige, et/ou arrêter de se prendre des séismes sur le coin de la gueule).

Donc au final, Auckland, c’est une grande foule bigarrée, composée principalement de Néo-Zélandais, de Polynésiens, et d’Asiatiques. Et j’ai vanné les Aucklandais pour leur côté campagnard, mais on ne peut pas nier qu’Auckland a un aspect très urbain comparé au reste du pays : on trouve quand même des appartements en ville (une hérésie pour tout bon Kiwi qui se respecte) et il faut bien avouer que les divertissements sont plus à base de « Concert en plein air » et « Festival de cinéma » que « Concours de pêche à la truite » ou « Championnat de lancer de botte en caoutchouc ».

(Si si, ça existe → plus de détails sur ce beau sport ici)

(Y’a même le championnat du monde cette année en Italie, la vie de ma mère c’est vrai.)

(Et ici, c’est retransmis à la télé en live.)

(Les gens se lèvent au milieu de la nuit pour voir des paysans lancer des bottes dans un champ.)

(Ce pays, non mais sérieux.)

Alors, ça c’est pour le résumé des Aucklandais.

Mais au final, Auckland, ça ressemble à quoi ?

Eh ben c’est comme plein de petits villages tous collés les uns aux autres, et c’est d’eux qu’on va parler dans le prochain article.

Reste à l’écoute !



PS: Au fait, j'ai un compte Twitter maintenant! Bon, pour le moment, y'a rien dessus, parce que je suis encore en train de chercher à comprendre comment fonctionne Twitter (3615 vieille dame). Mais une fois que j'ai compris le schmilblick, je mettrai des liens vers les nouveaux articles, et des fois je t'écrirai des mots doux - si j'arrive à respecter la limite de caractères, et vu mon penchant pour l'épanchement, c'est pas dit.

Bisous sur ton chat!


(Et, si t'as un chien, gratouillage de derrières les oreilles sur ton chien.)

(Mais pas de bisous.)

(Les chiens ça pue.)

jeudi 20 août 2015

L'instant Kiwi: Auckland, Livre I


(One Tree Hill, Auckland)

Penchons-nous un peu sur la capitale officieuse de la Nouvelle-Zélande pour cet instant Kiwi.

Je dis « officieuse », car quelqu’un d’aussi éduqué que toi sait naturellement que la vraie capitale de la Nouvelle-Zélande, c’est Wellington. Mais (comme chez nos voisins Aussies, dont la capitale est Canberra – alias la ville dont t’as jamais entendu parler) c’est facile de se tromper, étant donné qu’Auckland est de loin la plus grande ville du pays (avec plus d’un million d’habitants de plus que Wellington – 1,5 millions contre quatre cent mille) et en est aussi le centre économique majeur.

D’ailleurs, Auckland était la première capitale du pays, bien que brièvement (pendant vingt-quatre ans seulement) et à une époque ou y’avait plus de forêts que de maisons sur le territoire d’Auckland (entre 1841 et 1865). (En 1865, Wellington a été nommée capitale parce que plus proche de l’Ile du Sud.)

Il n’empêche que, même si Auckland n’est pas la capitale officielle du pays, c’est quand même elle qui gère tout ce qui touche aux affaires et à la finance, ce qui n’est pas rien.

Alors okay, Wellington, elle a les administrations, le siège du gouvernement, les arts, la culture, l’urbanisme, et les transports en commun.

Oui mais nous on a le POGNON !


(Les Aucklandais, une illustration.)

Bref.

J’ai décidé de t’instruire un peu la mouille à grands coups de statistiques très objectives et de mes impressions absolument pas objectives, pour te peindre un portrait de cette ville où je vis.

Et la première partie sera consacrée à répondre à la question qu’on m’a beaucoup posée :

- Si je visite la Nouvelle-Zélande, combien de temps est-ce que je dois consacrer à Auckland ?

La réponse est très simple : ZERO.

Si tu viens en Nouvelle-Zélande, ne passe pas une seule minute à Auckland. Sérieusement. Sors de ton avion, loue ta bagnole, et mets la gomme.

Et je sais que c’est très dur à suivre comme conseil, parce qu’en tant qu’Européens, quand on part en voyage, on ne passe pas par une ville sans s’y attarder au moins une-demi-journée. C’est presque une question de politesse.

Mais là, je te demande de me faire aveuglément confiance, comme Jasmine avec Aladdin : 


Refoule tes instincts Européens. Ne passe pas « juste une journée pour faire le centre-ville. » 

NON. CASSE-TOI TOUT DE SUITE, ET NE TE RETOURNE PAS.

Tiens, tu sais quoi, je vais t’épargner le doute et l’anxiété en te montrant ce que tu loupes. Tu veux voir le centre-ville d’Auckland ? Le voilà :


(Ah ouais, ça aurait été bête de louper cette rue avec ces magasins Chinois dessus, dis donc.)

Si vraiment tu y tiens, fais une petite pause pipi après avoir passé le pont lors de ta route vers le Northland, et prends une jolie photo de la skyline :


Maintenant, c’est bon, t’as le meilleur souvenir d’Auckland qu’on puisse avoir, parce que c’est littéralement la seule chose à voir.

Et là, à m’entendre, tu dois être en train de te dire que je suis une vieille aigrie qui déteste Auckland. Mais en fait, non. J’adore habiter à Auckland.

C’est vrai que les logements sont chers, mais en contrepartie, toutes les maisons sont grandes et ont des jardins, et t’as jamais de voisins au-dessus de ta tête.

C’est vrai que les transports en commun sont inexistants, mais pour une si grande ville, le trafic est remarquablement fluide, et les Aucklandais sont super courtois au volant.

C’est une ville propre, sans pollution, le climat est agréable, on trouve du travail facilement, la criminalité est quasi-inexistante, tout le monde est super gentil, y’a plein de bouffe indienne et thaï partout, et on n’est jamais à plus de vingt minutes de la plage.

Donc, en somme, Auckland est une ville agréable et où il fait bon vivre. Et c’est pas moi qui le dit, c’est tous les classements des « meilleures villes où habiter », où Auckland est en général toujours dans le top 5, quelque part entre Oslo et Copenhague.

Par contre, ben, en tant que touriste, c’est zéro.

Il n’y a rien à voir, il n’y a rien à faire.

Pas de centre historique, pas de musées, pas de shopping intéressant, pas d’architecture novatrice, pas de petits cafés sympas dans des jolies petites rues piétonnes. 

RIEN.

Y’a des hôtels hors de prix, des restaurants prétentieux et des gargotes innommables, si ça te chante. Y’a aussi des magasins de souvenirs made in China à la pelle, si c’est ton truc.

Et sinon, niveau shopping, on vient d’ouvrir un Topshop sur Queen Street. Voilà. C’est tout. C’est le seul magasin potable.

Et je ne déconne pas.

Tous les autres magasins d’Auckland se divisent en deux catégories :

1. Vêtements de bureau pour dress code des années 50 → fringues incroyablement chères et immensément austères (pense « cinquante nuances de gris anthracite »).

2. Vêtements de tous les jours avec deux mots-clés : pratique et confortable → LA FÊTE DU MOCHE.

Sincèrement, tu n’as pas réalisé ta chance tant que tu n’as pas navigué dans cet océan de gilets en mérino, de parkas coupe-vent et de pantalons imperméables.

(Ça fait deux ans que j’ai pas vu un vêtement près du corps.) 

(Ici, tout est taillé pour flotter sur ta personne ; comme si tu étais un majestueux voilier humain.)

(Après, j’avoue que c’est confortable, mais bon : des vêtements flottants, quand on fait un mètre cinquante-sept, on a UN PEU l’air sphérique.)

Bref bref.

Tout ça pour dire : visiteur de passage en Nouvelle-Zélande, fais-moi confiance, et passe ton chemin sur Auckland. N’écoute pas ton Routard ou ton Futé, ils sont payes à inventer des trucs intéressants. Auckland, ce n’est PAS intéressant. Tout ce qui peut être vaguement attirant pour un touriste à Auckland, tu le retrouveras ailleurs, en mille fois mieux.

(Les paysages : mille fois plus beaux. Les attractions : mille fois plus cool. Les restaurants : mille fois moins chers. Les bibelots : mille fois plus authentiques.)

(Et si vraiment tu aimes visiter les villes : change de pays.)

C’est bon, je crois que le message est passé, non ?

(Bon, après, si jamais tu décides de faire un tour au bout du monde, comme Clem’, Sarah ou Audrey, n’hésite pas à me faire un coucou quand même.)

Mais finalement, si Auckland c’est la ville la moins touristique du monde, qu’est-ce qu’on y trouve ?

La réponse est : des gens. Plein de gens.

Et c’est d’eux qu’on va parler dans le prochain article. 

Reste en ligne !

jeudi 13 août 2015

Vis ma vie de sauveuse de vies


Comme à mon nouveau boulot les gens sont trop sympas, ils ont décidé de me payer une formation aux premiers secours.

(C’est peut-être aussi parce que la seule personne formée était la fille qui était à mon poste avant moi, et qu’en gros, depuis que je suis arrivée, on aurait tous eu le temps de crever vingt fois, mais bon.)

(C’est sympa quand même.)

Donc je suis allée à une formation d’une journée, et le programme était fort alléchant : on allait m’apprendre à faire des massages cardiaques, à utiliser des défibrillateurs, à empêcher des gens de s’étrangler sur leur Tim Tam, à soigner des plaies ouvertes, des brûlures, des fractures… Bref, à la fin de la journée, j’allais être Docteur Quinn, femme-médecin.

Et je me réjouissais d’avance en me disant que ça y est, putain, j’étais grave préparée pour l’apocalypse de zombies.

Sauf qu’on dirait que les services de premiers secours n’ont pas reçu mon mémo :

- Alors, pour le traitement des fractures, qui peut me dire ce qu’il faut faire ? Oui, Charlotte ?
- Fabriquer une attelle ?
- Non.



(Ça commence très bien.)

- On va faire en sorte que le patient soit le plus à l’aise possible, appeler le 111, et toucher à rien.
- …. Donc on va pas apprendre à faire une attelle ?
- Non.



Et c’était comme ça pour tout !

Chaque problème qu’on abordait, c’était « Rassurez le blessé, appelez une ambulance, et posez-vous sur vos culs. »

(Ça va me faire une belle jambe à la fin du monde.)

En plus, l’instructrice a trop brisé mes notions de survie.

Soi-disant que dans le monde moderne c’est super mauvais d’amputer des gens sans anesthésie et de les recoudre avec du fil dentaire.

Soi-disant que dans le monde moderne, l’ambulance elle arrive chez toi en dix minutes, et du coup y’a pas besoin de cautériser les plaies avec des tisonniers chauffes à blanc.

- …Et veillez à ce que le bandage ne soit pas trop serré. Des questions ?
- Oui, alors là, on a vu comment arrêter une petite hémorragie, mais si c’est une artère qui est sectionnée, est-ce qu’on peut faire un garrot ?
- Un garrot ? Mais ça arrêterait le flux sanguin dans tout le bras !
- Non mais après, le bras, on l’ampute.
- ….
- Quoi ? J’ai pas bon ?

Soi-disant qu’il faut rien faire soi-même et laisser les gens qui ont fait dix ans de médecine s’occuper de tout.

(Moi je dis : où est le fun dans tout ça ?)

(V’là comment c’est trop relou d’administrer les premiers soins dans un monde où y’a des professionnels de la santé dans tous les coins, prêts à prendre le relais.)

(« Écartez-vous ! Je suis formée aux premiers secours ! Je suis officiellement qualifiée pour appeler une ambulance ! »)

Et même quand j’essayais de glaner deux-trois infos utiles, l’instructrice n’y mettait vraiment pas du sien :

- …Surélevez le membre blessé en attendant les secours, et rappelez-vous bien : la première chose dont on a besoin pour guérir une entorse, c’est le repos. Des questions ?
- Oui, alors quand vous dites « repos », c’est quoi la période minimum ?
- C’est-à dire ?
- Supposons que la personne blessée doive se remettre à marcher le plus vite possible. Combien de temps au minimum est-ce qu’elle doit se reposer avant de pouvoir reprendre la route ?
- …. Je ne comprends pas votre question. Pourquoi est-ce qu’elle devrait marcher ?



- …Non, pour rien.

Mais bon, même au sommet de ma mauvaise foi, je dois quand même avouer qu’on a fait pas mal de trucs utiles, à cette formation. J’ai quand même appris comment garder quelqu’un en vie jusqu’à ce que les médecins arrivent pour récolter ses organes, c’est toujours bien utile.

(Et si tu trouves que c’est cynique, on en reparlera le jour où t’auras besoin d’un rein.)

J’ai aussi appris comment administrer un massage cardiaque et le bouche-à-bouche sur un adulte, un enfant et un bébé (des mannequins en plastique, rassure-toi) et par contre je tiens à dire ALERTE DEGUEU parce que, je sais pas si t’étais au courant, mais pour faire du bouche-à-bouche à un bébé, il faut souffler à la fois dans la bouche ET dans le nez du môme, et bon, perso, j’ai vu ce que les bébés ont dans le nez, et ça donne moyen envie de mettre sa bouche dessus.

(Parents, vous êtes avertis : si votre mioche est crado, je le laisse crever.)

Petit aparté rigolo pour le massage cardiaque : pour prendre le bon rythme, l’instructrice nous a filé un tuyau : se chanter une chanson dans la tête. Les deux chansons qui marchent le mieux sont – attention thématique ultime - « Stayin Alive » et – encore mieux - « Another one bites the dust ». 





(À choisir selon le côté de la Force duquel on se situe.)

J’ai aussi appris comment empêcher une personne de s’étouffer, même si je me suis faite troller par mes connaissances acquises en regardant des séries (Franchement, y’a que dans les séries qu’on voit des adultes qui s’étouffent en mangeant, on est d’accord ? J’veux dire un gamin, soit, ils mettent n’importe quoi en bouche, mais comment est-ce qu’un adulte arrive à s’étouffer avec de la bouffe ?). 

Bref, il s’avère que la manœuvre de Heimlich (alias le truc où les gens se mettent derrière toi et t’appuient sur l’estomac), ça ne se fait plus.

Maintenant, il faut taper dans le dos des gens, c’est complètement nul, aucun sens dramatique.

(Alors bon, okay, y’a moins de chances de faire des hémorragies internes et bla bla bla, mais merde, au moins avant, ça avait de la gueule !)

Bon, après, si le truc est toujours pas sorti, on peut quand même faire une manœuvre similaire à Heimlich, mais en appuyant sur la poitrine, pas sur le ventre. Ce qui peut être problématique quand on fait un mètre cinquante-sept.

- Mais si c’est quelqu’un de grand qui s’étouffe, on fait comment pour atteindre sa poitrine ?
- Vous lui mettez un coup derrière les genoux, comme ça il tombe par terre, et là, quand il est à la bonne hauteur, vous lui faites la manœuvre.
- Cool.



(LAISSE-MOI TE SAUVER!)


(N’empêche, le pauvre gars, déjà qu’il s’étouffe, en plus je dois lui kickboxer les articulations.)

Et puis on a fait une pause pour manger et, en reprenant, l’instructrice nous a dit :

- Maintenant on va apprendre à utiliser un défibrillateur.



YES.

Enfin un truc cool !

Enfin un truc glamour !

Eh ben non, archi pas.

Moi je m’imaginais déjà comme dans « Urgences », les palettes aux mains, en train de crier :

- Chargez à deux cent ! On dégage ! … Il fibrille ! Chargez à trois cent! Ne me meurs pas dans les pattes, espèce de salopard!



(Un truc un peu cool, quoi.)

EH BEN NON.

Soi-disant qu’il faut être un vrai médecin pour pouvoir décider quand est-ce qu’il faut mettre de l’électricité dans les gens.

(C’est toujours les mêmes qui s’amusent.)

Non, à la place, le commun des mortels comme toi et moi, on a juste le droit d’utiliser les défibrillateurs publics, et attention l’adrénaline, c’est à peu près aussi passionnant qu’un épisode de Dora l’Exploratrice.

Y’a un enregistrement qui te donne la marche à suivre, et le seul truc qui est demandé de ta part, c’est d’exposer la poitrine du patient, éventuellement de le raser vite fait s’il a trop de poils (si si) (t’es plus ou moins qu’une esthéticienne de secours dans ce scénario), puis de coller les palettes sur le gus, et après tu t’écartes et tu fais plus rien, parce que la machine prend le contrôle.


En gros (et ça c’est honnêtement fantastique) la machine détecte quand elle est branchée, elle dit aux gens de s’écarter du patient, et elle enclenche la décharge toute seule. Mieux encore, elle reste branchée jusqu’à ce que les secours arrivent, et suit le rythme cardiaque du patient, comme ça, s’il repart en arrêt, elle le re-choque.

(Franchement, je suis bluffée par un niveau de technologie pareil - surtout dans un pays où les gens sont impressionnés quand on leur dit qu’on a l’ADSL à la maison.)

(Pas la fibre. L’ADSL.)

Et bon, après, cette journée ne m’a pas appris énormément, si ce n’est que tout ce que j’ai vu à la télé est faux.

Déjà l’histoire avec le défibrillateur et la manœuvre de Heimlich, mais c’est pas tout !

Le truc de mettre un sac de petits pois congelés sur un bleu ou une entorse parce que ça aide à désenfler ? FAUX ! C’est juste parce que le froid a un effet anesthésiant.

Le truc de faire vomir une personne qui a fait une overdose de médicaments ? NOPE ! Selon ce que la personne a pris, ça peut lui brûler la gorge, et si elle a pris les pilules il y a plus d’une-demi-heure, ça ne sert de toute façon plus à rien.

Le truc du mec viril qui se prend une flèche/un couteau dans le corps et l’arrache nonchalamment ? N’IMPORTE QUOI IMBÉCILE, ça va juste te faire saigner encore plus ! 

(Je sais que c’est pas toujours fun d’avoir un corps étranger en soi, mais pardon, la moitié de l’humanité doit s’en trimballer un pendant neuf mois, alors tu peux bien fermer ta mouille cinq minutes.)

Voilà, donc ma vie entière n’était que mensonges.



(Si maintenant on peut même plus faire confiance à la télé pour refléter la réalité, mais où va-t-on ?)

Je suis quand même ressortie de ma formation en sachant faire du bouche-à-bouche, administrer un massage cardiaque, mettre les gens en position latérale de sécurité, et sauver la vie d’enfants qui s’étouffent (et éventuellement d’adultes crétins incapables de manger comme des êtres humains normaux). Ce qui, avouons-le, est plutôt pas mal pour une journée.

Bref, lecteur, lectrice, si jamais tu viens en Nouvelle-Zélande, on pourra aller faire des randos dans le bush et t’auras rien à craindre, je suis maintenant une experte en composage de 111 (on a fait des jeux de rôle et tout, je suis rodée).

(Et si y’a pas de réseau, je sais toujours faire un garrot.)

(On est tranquilles.)