samedi 30 avril 2016

Brève de couple


Et donc ça fait dix ans que je suis avec Professeur Flaxou.

(3615 on est vieux.)

(Quand je dis « on », je veux dire Flaxou et moi, mais je veux aussi dire toi et moi.)

(Tu te rappelles de mon Skyblog ? Bah c’était y’a dix ans.)

(Ah ouais ben je t’avais dit qu’on était vieux.)

Bref.

Dix ans donc depuis l’époque où je clamais à tout venant entre la cour de récré et le couloir de la philo que je voulais un mec bien, même juste un mec passable, et que ma copine Amélie essayait de me caser avec son pote le cassos :

- Mais si tu verras, il est super sympa ! Bon d’accord il est pas très beau, mais il est vachement gentil!
- ….
- En plus il est complètement désespéré parce qu’il a genre vingt-et-un ans et il a jamais eu de copine de toute sa vie.
- ….
- Du coup, t’es sûre qu’il te rejettera pas !

Et voilà, dix ans plus tard, ce cassos c’est mon mari.


(Amélie savait vendre du rêve.)

Et je me dis qu’elle n’avait pas tout à fait tort pour le coup du gars désespéré qui te rejettera pas, parce que je peux être la pire des connasses (je SUIS souvent la pire des connasses), et Flaxou s’en fout.

C’est genre il a trouvé une fille qui voulait coucher avec lui, et dans sa tête il s’est dit, c’est bon, j’ai ce qu’il me fallait, on peut rester ensemble toute la vie maintenant.

Sans déconner, on était en couple depuis deux mois, et le gars il me sortait des trucs ultra engagés au detour d’une conversation, OKLM :

- Tu veux aller au ciné ce soir ? Ils passent le dernier Tarantino, au fait je veux des enfants de toi et aussi hier j’ai ouvert un PEL pour notre future maison, et sinon tu veux du pop-corn ?

(Le malade mental.)

(Comme si j’allais ne PAS vouloir du pop-corn.)

Mais finalement, comme je suis un peu tarée aussi, on va dire qu’on s’est bien trouvés.

(Il fallait quand même du bon matchmaking pour me dégoter le gars qui rigole à mes vannes obscures sur l’univers de Tolkien.)

(« Et là je dis au gars, t'as appelé Ungoliant ou c'est juste les plombs qui ont sauté? Ha ha ! »)

Donc: dix ans.

Dix ans depuis la soirée où je l'ai laissé me toucher les nichons par-dessus le pull (parce que je suis pas une tasse-pé, oh tu m'as prise pour qui?) et qu'ensuite j'ai écrit plein d'articles culculs sur mon skyblog.

(Pour l'instant nostalgie, je te remets l'article qui a suivi immédiatement notre première soirée en couple, et qui a donc dix ans tout pile.)

(Tu excuseras la mièvrerie qui se dégage de ces pages, j'avais 17 ans et j'étais in love avec un grand I et un grand L.)


Ce qui me fait le plus mal en relisant cet article – outre la culculsité évidente du texte – c'est même pas la référence à mes révisions pour le Bac (on était des GAMINS, merde), c'est le passage sur le bar à tapas enfumé.

On s'est rencontrés il y a tellement longtemps QUE C’ÉTAIT ENCORE LEGAL DE FUMER DANS LES BARS.


(Putain.)

Dix ans donc depuis que j'ai rencontré Flaxou.

Et évidemment, la romance des premiers jours (AKA : l’époque où on allait aux toilettes juste pour péter) a laissé place à des moments moins glamour.

C’est-à-dire qu’on est moins dans le délire « Tes yeux sont plus profonds que l’océan » et plus dans le « Dis voir est-ce que le Thaï d’hier t’as rendu malade ? Parce que moi ce matin j’ai fait un de ces cacas, dis donc, c’était comme si je pissais par le cul. »

(3615 poésie.)

De même, après dix ans de vie commune et (bientôt) quatre ans de mariage, on est moins en chien qu’au début la passion s’est quelque peu estompée.

(C’est difficile de garder le désir brûlant pour quelqu’un quand tu vois cette personne tous les jours.)

(A fortiori quand tu vois cette personne se gratter le slip en mangeant des chips.)

Donc oui, j’admets, on ne fait plus d’efforts. J’ai arrêté de rentrer le ventre en permanence devant lui, de traquer chaque poil indiscret, de masquer chaque odeur corporelle, ou d’étouffer mes rots.

(Maintenant je rote la bouche ouverte, et quand ca fait beaucoup de bruit, il me fait un high-five.)

Et y’a des gens qui trouvent ça triste, quand un couple se laisse aller.

Mais honnêtement, moi je trouve ça GENIAL.

Pour moi, se laisser aller, ca ne veut pas dire qu’on a arrêté de faire des efforts parce qu’on ne tient plus à la personne. Ca veut dire qu’on est assez sûrs de la force de notre relation pour enfin être nous-mêmes.

Parce que je sais que Flaxou m’aimera quand même avec du poil aux pattes et du gras au bide. Je sais qu’il me préfère sans maquillage, et qu’il s’en fout si je porte un string en dentelle ou mes vieilles culottes Petit Bateau sans élastique parce que de toute façon il cherche juste à les enlever. Je sais qu’il s’en fiche complètement si mes cheveux sont gras, ou si j’ai un bouton sur le menton, ou si je pue d'la fouffe parce que j’ai mariné toute la journée dans mes collants gainants.

De même que moi, je m’en fous s’il perd ses cheveux, qu'il a une haleine de chacal rance, ou qu’il a oublié de tailler ses dessous de bras pendant trois mois et ça fait comme une forêt de poils qui dépassent des manches de son T-Shirt. J’ai quand même envie de faire des cochonneries sur son corps velu.

(C’est ça l’amour, ma couille.)

Au final, je pense que c’est pas important si on a l’air de deux clodos quand on est ensemble, et qu’on a remplacé les declarations passionnées et les bisous sensuels par « Eh y’a mon jeu qui fait une mise à jour, tu veux ken ? »

C’est vrai que, quand je repense aux premiers jours, ça me rend un peu nostalgique. (Okay, surtout parce que j'avais genre dix kilos de moins.) Mais quand il me regarde, c’est avec les mêmes yeux qu’il a dix ans. 



C’est toujours le meme regard plein d’amour du mec qui est trop heureux d’avoir trouvé une fille qui veuille bien lui montrer ses nichons.

(Alors que toi-même tu sais qu’avec son accent français, il pourrait pécho comme n’importe quoi, par ici.)

(Il aurait juste à se pointer dans un bar, à dire « Pinot Blanc », et à regarder les culottes tomber.)

Et en dix ans, on a aussi gagné en complicité – principalement parce que, plus le temps passe, et plus on déteint l’un sur l’autre.

Maintenant j'écoute du metal et Flaxou regarde des films en VO, tu nous aurait dit ça y’a onze ans et on t’aurait rigolé à la face.

(Encore dix ans et il lira des livres, et moi je boirai du café.)

(Encore trente ans et on ne sera plus qu’un gros symbiote.)

(Symbiote = un mot que je connais grace à Flaxou.)

(Tu vois ce que je veux dire ?)

Bref.

Une copine me disait l’autre jour qu’elle se posait des fois des questions sur sa relation, et me demandait si ça m’arrivait aussi.

Et j’avais envie de dire « oui » pour pas faire ma connasse ma-vie-est-tellement-mieux-que-la-tienne, mais la vérité, c’est que non. Pour moi, c’est bon, c’est parti, on sera ensemble jusqu’à ce que l’un de nous meure.

(De préférence lui avant moi, comme ça je pourrai avoir un chat.)

(Ou douze.)

(On s’en fout, je serai vieille et veuve et j’aurai une vie entière sans chats a compenser.)

Et c’est pas seulement parce qu’il est mignon et gentil, et qu’il ne se passe jamais un seul jour sans qu’il ne me fasse rire.

(Bon d’accord, c’est pas si difficile de me faire rire.)

(Je rigole quand quelqu’un dit le mot « poulet ».)

(Là je viens de lire à voix haute le mot « poulet », et je me marre toute seule depuis le debut de cette parenthèse.)

(Ha ha.)

(« Poulet ».)

Bref bref.

Je disais, c’est pas seulement parce que c’est un super mari (il a quand meme des défauts) (genre il met ses fringues sales par terre JUSTE A COTE du panier à linge) (POURQUOI?) (en quoi est-ce que ça requiert moins d'effort que de les mettre directement dedans?) mais en fin de compte, c’est surtout parce que je ne saurais pas opérer de manière fonctionnelle avec quelqu’un d’autre.

On est allés trop loin dans la coolitude, maintenant c’est foutu, il m’a ruiné pour tout le reste de la gent masculine. Je ne pourrai jamais revenir aux sous-vêtements sexy, à la posture impeccable, aux jolies petites tenues, et aux battements de cils gracieux.

(Si tant est que j’en aie été capable avant.)

Nan, c’est fini pour moi, l’art de la séduction. Je suis trop à l’aise de la vie pour roter la bouche fermée.

Bref bref Brejnev.

Donc, dix ans de vie commune, c’est cool, mais au final, c’est pas tant que ca.

Parce qu’avec ce gars, les potos, je suis partie pour perpète.


(Notre première photo de couple – tu vois que je déconnais pas quand je disais qu'on était des enfants.)


PS: Je profite tant qu'on est dans le culcul pour te souhaiter un bon week-end avec l'élu de ton coeur – ton mec, ta meuf, ton chat, je suis pas là pour juger. Vive l'amour!

samedi 23 avril 2016

Brève de boulot


Salut mon p'tit poulet.

Désolée de mon absence sur le blog ces derniers temps, mais je viens de commencer un nouveau boulot, et c'était pas de tout repos.

Contrairement à mon ancien boulot, qui était chiant comme la pluie.

(Du coup, à force, on s'habitue à rien branler.)

C'était d'ailleurs la raison principale de ma démission – ça et le fait qu'on était que quatre dans toute la boîte, que tout le monde à part moi avait plus de 60 ans, et que la collègue avec qui je partageais mon bureau était INFERNALE.

Un adjectif bien ironique quand on sait que la température du bureau était constamment à seize degrés.

(SEIZE DEGRÉS.)

(On peut mourir à cette température, j'te signale.)

Et que toute tentative de modification du thermostat était formellement interdite, parce que c'était elle qui avait la télécommande et qu'elle était rangée dans SON tiroir de SON bureau et qu'il fallait pas y toucher parce que c'était très compliqué à opérer et qu'on risquait d'endommager l'appareil irrémédiablement, peut-être même que si on effleurait le mauvais bouton il allait exploser et on allait tous mourir.



(Tutafé.)


Non contente de ce justifier avec ce TORRENT DE CACA en guise d'explication, la meuf était tellement psycho-rigide qu'elle ne m'autorisait même pas à changer la température quand elle n'était pas dans le bureau – pour te dire jusqu'où ça allait.

(Avec la justification que: "On n'a pas le droit de couper la clim, c'est le gérant de l'immeuble, il a dit: l'air doit circuler en permanence, et si on coupe le climatiseur ça empêche l'air de circuler dans tous les bureaux.")

(Mais WHAT.)

(Mais dis-le tout de suite que t'es une malade mentale, ce sera moins flag.)

Autant te dire que c'était l'ambiance de folie au bureau:

- Oh! La clim est tombée en panne?

- Non, c'est moi, je l'ai coupée.
- MAIS!!!! Je t'ai dit y'a trois jours qu'il ne fallait pas toucher au thermostat!
- Ouais je sais, mais je m'en fous.


(C'est peut-être pas un comportement très mature, mais des fois, ça fait du bien d'entrer en mode KESTUVA FAIRE)

(Et puis merde, il fait 27 degrés dehors, donc tu m'excuseras si je me sens pas trop d'humeur à enfiler des moufles.)

Bref.

Tu comprends donc que j'avais pas trop la larme à l’œil en quittant mon job (qui était bien, mais répétitif), mes collègues (qui étaient sympa, mais ennuyeux) et ma coloc-de-bureau (qui était BELZÉBUTH).

Oui non parce que je t'ai pas dit, mais la meuf était aussi ULTRA RACISTE, genre elle a quand même sorti DEVANT MA GUEULE qu’il y avait trop d’étrangers en Nouvelle-Zélande. 

(3615 malaise, oui bonjour, qu'est-ce que s'up?)

Et quand je lui ai fait la remarque que c’était pas super cool de dire des trucs comme ça devant une étrangère, elle a répliqué :

- Non non, mais je parle pas de gens comme toi ! C’est les Indiens le problème.


(3615 racisme, oui bonjour, on se cache plus du tout.)

Oui, elle était particulièrement raciste des Indiens et des Chinois, qui, selon elle, venaient prendre d’assaut notre beau pays blanc (HEUMHEUMlesMaorisonlesoublie) et nous forcer à manger du curry et du canard laqué.

(Horreur.)

Passons le moment de LOL quand on sait que tous les Indiens et tous les Chinois du pays combinés ne suffisent pas à égaler le numéro un de l'immigration en Nouvelle-Zélande: les Anglais.

(Non mais eux ça va, on les aime bien.)

(Cœur avec les doigts !)

Passons, donc, et je vais vite te rassurer: elle était raciste de tout le monde, en fait.

(Sauf des Anglais, encore une fois.)

Car oui, la vieille peau déblatérait jour après jour des diatribes comme quoi on se faisait envahir de toutes parts par des hordes de migrants (c’est pas comme si on vivait en moyenne à 16 habitants par kilomètre carré, hein) et que quand elle était petite, à Saint-Raciste-sur-Mer, on était bien, mais maintenant y'a genre cinq mille habitants et un restau Thaï, et donc on étouffe.

Alors que franchement, faut arrêter le bullshit deux minutes: même à Auckland, l’endroit le plus peuplé de tout le pays, on part sur une densité de population de 2600 habitants au kilomètre carré, ce qui équivaut à… La Rochelle.

(Donc si t'étouffes, METS LA CLIM! CONNASSE!)

C'est aussi le même être exquis qui m'a un jour sorti entre la poire et le fromage qu'on devrait interdire l'asile politique, parce que, je cite "on est en train de crouler sous le nombre de réfugiés, et la misère du monde c'est pas notre problème".


Alors, passons sur le fait que c'est une déclaration de GROSSE CONNE
, parce qu'à ce stade de toute façon je n'en attendais pas moins de sa part, et attardons-nous plutôt sur le fait que la Nouvelle-Zélande, l'an dernier, a accueilli.... 750 réfugiés.

750.


Ca va, tu suffoques pas trop, Jeanne-Facho? 

C'est pas trop difficile pour ton pays développé de prendre en charge autant de bouches à nourrir?

(Mais bon, faut pas trop en attendre d'elle, elle zappe les infos dès qu’elle n'entend plus le mot «rugby».)

Je terminerai juste ce portrait avec le fait que Jacqueline LePen se plaignait régulièrement à qui voulait l'entendre que c'était impossible de trouver un bon électricien/un bon informaticien/un bon garagiste (rayez la mention inutile) parce que maintenant c'est tous des étrangers qui savent pas faire leur travail et qui volent le pain de la bouche des jeunes Kiwis, alors que MERDE. 

Parce que quand tu dis "les jeunes Kiwis", tu parles de tous ceux qui abandonnent le pays dès qu'ils ont leur diplôme pour se casser en Australie, où les salaires sont plus élevés? Genre, au hasard, hmmm chais pas, LA TOTALITÉ DE TES ENFANTS? 

Alors quand la meuf vient me dire qu’elle est dégoûtée que les immigrés soient là pour faire tourner l’économie que ses propres enfants ont délaissée, j’ai envie de dire BORDEL DE MERDE, FAUT ARRÊTER DE SE FOUTRE DE LA GUEULE DU MONDE DEUX PUTAIN DE MINUTES.


(Pardon, ça fait beaucoup de majuscules.)

(Mais j’ai le seum, frangin.)

Bref bref.

Tu comprendras donc que c'est avec une joie non dissimulée que je me suis fait la malle de chez Marie-Glaciale.

Maintenant je bosse dans l'événementiel avec des jeunes (des JEUNES!), et la vie est un champ de fleurs.

J'ai un bureau à température humaine, et même une vraie salle de pause avec des tables et tout.

(Dans mon ancien job, y'avait juste une pièce vide avec un micro-ondes, donc chacun mangeait assis à son bureau) 

(Ambiance "balle dans l'slip").

Et, surtout, j'ai un patron qui m'a donné des responsabilités d'entrée de jeu, et m'a dit au bout d'une semaine "Bon, ce projet, c'est le tien, si t'as des questions viens me voir, mais pour le reste je te fais confiance, tu fait un super boulot".

(Alors que dans mon ancien job, au bout d'un an, ma patronne ne me faisait toujours pas confiance pour envoyer un email.)

(Un EMAIL.)

(Il fallait que je lui envoie systématiquement un brouillon pour CHAQUE message de com que j'envoyais aux abonnés.)

(3615 micromanagement, oui bonjour on n'arrêtera jamais de vous surveiller, en fait donnez-nous ça, on va le faire nous-mêmes ça ira plus vite.)

Bref, je suis très occupée (trop occupée pour écrire des articles depuis le bureau, si tu veux tout savoir) (oui ben fais pas le choqué, tu crois que j'écrivais dans mon temps libre?) (Tu sais très bien que je joue à Skyrim dans mon temps libre, je peux pas tout faire.)

Je suis très occupée, donc, mais très contente.

(Hier j'ai publié mon tout premier post sur Instagram pour la première fois de toute ma vie, et j'ai eu dix likes en une minute.)

(DIX LIKES!)


(Hashtag je gère les hashtags.)

Tout ça pour dire: je risque de poster un peu moins fréquemment, mais ce n'est pas l'envie qui manque, parce que j'ai très envie de te parler d'un super bouquin que j'ai lu, et de mes cours de Maori, et aussi que Flaxou et moi on va fêter nos dix ans bientôt et sérieux on est trop vieux c'est déprimant, MAIS BON comme maintenant je dois faire ça sur mon temps libre, ça va prendre un peu plus de temps.

D'ici là, je te fais de gros bisous.


(Je vis au pays où serrer la main c'est déjà faire preuve d'une grande familiarité, alors tu m'excuseras, mais il me faut ma dose de bises franchouillardes.)

Bref, bisous sur toi, bisous sur ta mère, bisous sur ton chien. (Et si tu as un chat, petits piaillements de fangirl sur ton chat.)

En attendant, je te laisse avec une photo du petit lapin du parc d'à côté de chez moi.


(Ne me remercie pas.)

dimanche 3 avril 2016

Rona et la lune – une légende maorie


Coucou les p'tits loups!

On va parler mythologie aujourd’hui sur le blog, et on va s’intéresser à la légende maorie de Rona et de Marama (la lune).

Il existe plein de légendes polynésiennes sur la lune, les étoiles et le soleil. Les Polynésiens (et les Maoris en particulier) étaient d’excellents navigateurs, et utilisaient les astres pour s’orienter, et comme en plus ils utilisaient aussi le soleil et la lune pour distinguer les heures et les jours, ils passaient au final pas mal de temps à regarder le ciel. Du coup, forcément, ils se posaient des questions sur certains phénomènes naturels, et, comme tous les peuples antiques, ils ont inventé des légendes pour expliquer ces phénomènes.

Une petite note culturelle ici : contrairement à notre civilisation latine, où la lune est un être féminin, dans la mythologie maorie, la lune, comme le soleil, est un astre masculin, mais sa représentation se fait parfois sous les traits d’un homme, et parfois d’une femme, parce que voilà, y’avait plusieurs tribus et pas de langage écrit, donc forcément, y’a des variations.

(Et apparemment, les avis divergeaient selon les tribus : d’aucuns étaient de l’avis que, comme le cycle croissant et décroissant de la lune ressemblait à celui de la femme enceinte, alors Marama était forcément un astre féminin. D’autres rétorquaient que, vu l’action de la lune sur le cycle menstruel de la femme, la lune ne pouvait être qu’un homme pour infliger tant de douleur et faire couler autant de sang.)

(Deux très bons arguments.)

Bref, dans cette légende, Marama (la lune) a des traits masculins, et il kidnappe des meufs, oklm.

Mais commençons par le commencement.

Rona et son mari, Tamanui-te-rā, ne s’entendaient pas. Ils avaient eu un mariage arrangé, comme c’était courant à l’époque pour sécuriser certaines lignées importantes ou renforcer les alliances entre tribus. (Tout pareil qu’en Europe à la même période.)

Bref, Rona et Tamanui-te-rā se foutaient sur la gueule en permanence et se prenaient constamment la tête sur à qui c’était le tour d’aller chasser, pêcher, chercher de l’eau à la rivière, entretenir le feu, vider le lave-vaisselle, tout ça.

Tout le village était saoulé par leurs engueulades, et franchement je les comprends, parce que j’imagine que ça n’aidait pas niveau isolation sonore qu’ils vivaient tous dans des cabanes en feuilles.

(Ce serait un peu comme de vivre au camping toute l’année.)

(Une certaine idée de l’enfer.)

Bref, un soir, Rona et son mari se mettent à se disputer pour savoir qui ira remplir les tahā (des genres de gourdes en bois) à la rivière. 



Ils ont passé la journée entière à se prendre le chou sur d’autres trucs, et c’est seulement à l’heure du coucher que Rona, qui a soif, s’aperçoit que les tahā sont vides. Elle demande à Tamanui-te-rā d’aller chercher de l’eau, mais il lui tourne le dos et fait semblant de dormir pour échapper à la corvée.

(Une technique ancestrale passée d’homme en homme à travers les âges.)

Du coup, Rona sort du whare (la maison) toute seule et se met en route, les tahā en main, en grommelant tout au long du chemin qu’elle doit toujours tout faire soi-même et que c’est tout de même bien sa veine d’avoir épousé un incapable pareil.

(Une incantation ancestrale passée de femme en femme à travers les âges.)

Quand soudain, un nuage passe devant la lune, et Rona se retrouve plongée dans le noir. Avançant à tâtons, elle trébuche sur la racine d’un ngaio, un petit arbre qui pousse sur les côtes néo-zélandaises (et dont les Maoris utilisaient le jus des feuilles pour repousser les moustiques) 



(Ca n’a rien à voir avec l’histoire, mais c’est toujours bon à savoir).

L’eau des tahā se retrouve éparpillée sur le sol, et Rona, pleine de rage, se met à hurler des injures à la lune.

(La meuf elle est vraiment vénère contre le monde entier.)

La lune répond alors à Rona :

- Meuf, tu ferais mieux de te la fermer tout de suite, sinon il va t’arriver des bricoles.

Mais Rona n’est pas le moins du monde perturbée par le fait que LA LUNE VIENNE DE LUI PARLER, et continue à lui gueuler dessus.

(Il faut de tout pour faire un monde.)

(Y’en a c’est des gens normaux et pas suicidaires, et y’en a qui choisissent d’insulter des divinités.)

Du coup, Marama commence à se fâcher, parce que c’est quand même un astre céleste et il a pas l’habitude qu’on le traite comme de la merde. Du coup, hop, il fait léviter Rona et ses calebasses façon faisceau tracteur dans Star Trek, et il la kidnappe.

Rona commence enfin à flipper légèrement, et se raccroche aux branches du ngaio pour ne pas être emportée. Mais les racines de l’arbre cèdent, et Rona, ses tahā et son arbre sont tous envoyés vers la lune, où on les voit encore aujourd’hui :



(Perso, moi je vois un lapin, mais chacun son délire, hein.)

(Ah, et pour ceux qui se demandaient pourquoi la lune était de travers sur cette photo: c'est comme ça qu'on la voit de Nouvelle-Zélande.)

(La tête en bas, tout ça.)

Bref, assez incroyablement, l’histoire finit bien.

Au début, Rona est passablement vénère d’être prisonnière sur la lune (logique) et engueule Marama de puis belle. Mais au lieu de répondre à ses insultes, il la traite avec respect et gentillesse, si bien qu’elle finit par ne plus avoir de raison de se plaindre.

(Heu ouais enfin « plus de raison », c’est pas comme si t’avais été KIDNAPPÉE quoi.)

(Le Syndrome de Stockholm, le meilleur ami des romances impossibles.)

Rona raconte à Marama ses déboires sur terre et son mariage raté. Marama lui propose alors de rester sur place et d’être sa femme, et elle accepte.

(Ça devait vraiment être un horrible mariage, pour que tu te dises que LA LUNE est un meilleur cadre de vie.)

En cadeau de mariage, Marama offre à Rona un korowai, un vêtement traditionnel sacré chez les Maoris. (Images ici, et .)Le korowai était un héritage de son arrière-grand-mère, orné d’étoiles, et tissé d’incantations magiques. Grâce au korowai, Rona devient la maîtresse des marées, emplissant ou déversant l’eau de ses tahā dans la mer.

Et Tamanui-te-rā, dans tout ça ? Eh bien, il cherche d’abord Rona partout dans le village, puis se dit qu’elle est retournée dans la tribu de ses parents. Il voyage plusieurs semaines jusqu’au village voisin, déterminé à s’excuser et à être un meilleur mari. Une fois arrivé, aucune trace de Rona, mais, le soir venu, alors qu’il explique la situation à ses beaux-parents, leur regard est attiré par la pleine lune, et ils voient Rona, vêtue de son korowai, qui leur sourit du haut des cieux.

Tamanui-te-rā est triste, mais soulagé de savoir que Rona est heureuse, et quelque temps plus tard, il se remarie, apprend à partager les responsabilités, et devient un excellent mari.

Et en fait, c’est pas tant la légende que je trouve intéressante, mais plutôt ce qu’elle nous enseigne. Parce que c’est pas super clair.

La première fois que j’ai entendu cette légende, je pensais que c’était une morale classique, à base de « Soyons respectueux des dieux », mais finalement, Rona a injurié une divinité, et ça l’a rendue non seulement plus heureuse que jamais, mais en plus ça l’a inscrite au panthéon cosmique, alors niveau châtiment divin, c’est bien sympa, je trouve.

(C’est pas chez les anciens Grecs qu’on aurait ce genre de laisser-aller.)

(Chez eux, tu te faisais MINIMUM dévorer le foie par un aigle.)

On pourrait aussi penser que la morale de l’histoire, c’est qu’il faut faire des efforts pour faire marcher un mariage, mais au final, Rona et Tamanui-te-rā, de toute évidence, ils étaient plus heureux séparés qu’ensemble.

Du coup, le divorce, c’est… normal ?

(C’est pas dans les légendes médiévales françaises qu’on serait laxistes comme ça.)

(À la même époque, on était plus ambiance « Rivières de flammes et damnation éternelle ».)

Finalement, le conte de Rona, ça ressemble plus au genre d’allégories que te sortirait un psy pendant une thérapie de couple.

(Enfin, un psy qui prendrait du LSD, quand même.)

(« L’essence du couple, c’est la communication. Si vous vous trouvez toujours en train de vous disputer, faites une pause ! Allez vivre sur la lune avec un arbre !»)

Donc voilà, c'était l'histoire de Rona et de la lune.


A bientôt pour des articles qui ne parlent pas de langue ou de culture Maorie.

(Promis, je vais essayer de me retenir.)

(Même si c'est difficile parce que c'est la langue la plus lexicalement inventive du monde.)

(Cette semaine, j'ai appris que "radio" se disait "te reo irirangi", de "te reo" = la voix, le langage et "irirangi" = le son que font les esprits depuis l'au-delà et qui se réverbère dans le monde des vivants.)

(Donc la radio se dit littéralement "la voix des esprits".)

(C'est tellement COOL.)

(Pardon, j'arrête.)

(Allez, bisous.)

(Ou comme on dit en maori : kihi.)

(Bon okay, maintenant j'arrête.)