mercredi 23 novembre 2016

La création de l'homme selon les Maoris - une légende WTF


Lors de mon week-end au marae (voir article ci-dessous), j'ai entendu pas mal de légendes maories, donc j'étais aux anges tu t'en doutes.

(Les légendes c'est mon centre d'intérêt principal dans la vie, avec les chips saveur pas chips.)

(Tu savais qu'en Nouvelle-Zélande on avait des chips goût cheeseburger?)

(What a time to be alive.)

Bref.

J'ai entendu pas mal de légendes que je connaissais déjà, comme celles de Maui et de ses exploits, de Rona et de la lune, de Tawhaki et de son séjour au ciel, ou encore celle du kauri et de son écorce.

Mais j'ai aussi et surtout entendu LA LEGENDE LA PLUS OUF DE TOUS LES TEMPS: celle de la création du monde selon les Maoris.

C'est une histoire à la fois super familière et incroyablement originale. Mais je vais te laisser juger par toi-même.

Donc c’est l’histoire du dieu Tāne, qui était, on se rappelle, l’un des enfants de Rangi (le ciel) et Papa (la terre), et qui était la force principale qui les avait séparés, créant ainsi le monde (grosso modo). Tāne régnait sur la terre, et s’était donné la tâche de la peupler. Et pour ce faire, il y va pas par quatre chemins: il nique tout.


(Ah bah oui mais c’est ça la joie des civilisations pré-colonisation.)

(Vis la vie de gens pas encombrés par des siècles de tabous sur le sexe.)

Donc il nique des montagnes et ça fait des arbres, il nique les arbres et ça fait des arbustes, il répand sa semence par terre et ça fait de l’herbe, bref tu vois le topo.

Au bout d’un moment, la terre est peuplée d’une végétation luxuriante, et Tāne commence à en avoir un peu marre de s’accoupler avec des buissons (et on le comprend). Il se rend donc sur une plage située au bout du monde, et commence à modeler une forme dans le sable. Il travaille sa sculpture tant et si bien qu’elle prend forme humaine.

Tāne souffle dans les narines de sa sculpture de sable, et lui insuffle le souffle de la vie. La sculpture se transforme donc en être de chair et d’os : la première femme.

Jusqu’ici, tu remarqueras qu’à part le bout où Tāne copule avec des arbres, on a affaire à un mythe de la création tout ce qu’il y a de plus banal : le coup de modeler un être humain à partir de terre et de lui insuffler la vie, c’est très littéralement un conte vieux comme le monde.

Sauf que dans la plupart des autres mythes de la création, l’entité créatrice fait généralement deux personnes, un homme et une femme, dont découle le reste de l’humanité (ou alors – variante – le dieu créé juste un homme, et c’est ce dernier qui créé la femme).

Mais là, Tāne, rappelle-toi qu’il cherchait pas tant à engendrer une espèce entière qu’à se taper du cuissot, donc un seul garage à bites, ça suffit bien.

Le problème, c’est qu’une fois la nana vivante en face de lui, Tāne ne sait pas trop comment s’y prendre.

(On se souviendra que son expérience sexuelle s’est forgée principalement sur tout ce qui était chlorophylle.)

Du coup, il fait comme tout le monde aurait fait à sa place : il fourre sa bite dans tous les orifices et il regarde où ça rentre.

(Je dirais bien que c’est dégueulasse, mais étant moi-même dépourvue de ce type d’appendices, je m’abstiendrai de commentaires.)

Donc comme Tāne est un être super logique, il commence par les yeux (euh…aie ?)

(Enfin chais pas mec, y’avait quand même des trous un peu plus évidents !)

Il essaye donc tant bien que mal de niquer l’œil de sa nouvelle création, mais, n’y arrivant pas, se retire, laissant un peu de sa semence au coin de l’œil de la jeune femme.


(Petit instant de compassion pour la demoiselle.)

C’est de là, selon la légende, que viennent nos larmes.

Eh ouais ! On pleure tous du sperme divin !


(On en apprend tous les jours.)

Mais la leçon d’anatomie ne s’arrête pas là, puisque Tāne n’est rien si ce n’est persistant.

Il va donc s’introduire méthodiquement dans chaque recoin de décidément l’Eve la plus mal barrée de la création, et y laisser à chaque fois de la semence, qui donnera naissance à un fluide corporel. 

Il lui fourre donc successivement la teub dans la bouche (et ça donne la salive), dans l’oreille (et ça donne la cire d’oreille), sous l’aisselle (et ça donne la sueur), et dans le popo (et ça donne… bon j’te fais pas un dessin).


(Pendant ce temps, la pauvre dame.)

Et donc, après avoir essayé tous les endroits sauf le plus évident, Tāne se dit enfin « Allez hop, si déjà on est là, on tente le vag’ ».


(Pas trop tôt.)

Il s’accouple donc enfin avec l’heureuse élue.

(M’est avis qu’elle était vivante, mais pas super bien finie, la meuf, pour se laisser faire aussi placidement.)

(Genre hep salut ça gaze ma bichette, bon j’te mets ma bite dans l’œil ça te dérange pas hein ?)

(Et même pas un restau d’abord, franchement.)

Alors la morale de cette belle légende, outre que ça doit être super rigolo de la raconter aux petits enfants, c’est quoi ?

Bon d’abord, je pense que c’est important qu’on retienne bien qu’on est tous des sacs à foutre divin.

(RIP à tous les prêtres catholiques qui sont entrés en combustion spontanée alors même que cette phrase était formulée.)

Mais si l’on passe outre le côté xptdr de l’affaire, y’a quand même une chose extraordinairement positive à cette légende : c’est que, contrairement à d’autres cultures qui imaginent l’homme comme créé à l’image divine, les Maoris, eux, nous expliquent qu’on est littéralement les DESCENDANTS d’un dieu !

Et c’est une petite nuance, mais pas si petite que ça.

Parce que déjà, c’est plutôt cool de se dire qu’on est tous un peu des dieux (les plus mégalomanes d’entre nous l’ont déjà compris) mais aussi, je trouve que ça véhicule un joli message.

(Pas celui du garage a bites, hein.)

Parce qu’au final, ce mythe nous dit qu’on est tous des descendants divins, mais pas seulement nous : les montagnes, les forêts, les oiseaux, les arbres, ce sont tous des descendants de Tāne aussi – et, qui plus est, ils sont arrivés avant nous, et on leur doit donc le respect qu’on accorde aux tuākana (grands frères/grandes sœurs).

Et oui, je sais, c’est incroyablement hippie de dire qu’on est tous les frères et sœurs de Gaïa, mais voilà, moi je trouve ça beau.

(Vis ma vie élevée par des gauchistes dans la montagne.)

Sur ce, je vais me coucher avec ces belles images dans la tête (tous ces sacrifices que je fais pour toi lecteur), et je te dis à bientôt pour de nouvelles aventures!

(Et de nouvelles légendes j'espère.)

vendredi 18 novembre 2016

L'Instant Kiwi: un week-end au marae


Comme tu sais déjà (parce que je te bassine avec depuis des mois) je prends des cours de Te Reo Maori.

Et dans le cadre de mes cours, je suis allée passer un week-end au marae. 

Et comme c'est un truc pas banal, je me suis dit que je te raconterais un peu comment ça se passe.

Alors d'abord, les basiques:

Qu'est-ce que c'est qu'un marae?


Expliqué très simplement, un marae, c'est un lieu de rassemblement communal. Pour les Maoris, c'est un endroit qui a une importance capitale, parce que c'est l'endroit où vit la culture de la tribu: on s'y rencontre pour des négociations, on y accueille les visiteurs, on y célèbre les mariages, les naissances, et les décès.

Les marae étaient communs autrefois dans toute la Polynésie, mais aujourd'hui, ils subsistent principalement en Nouvelle-Zélande. Et, contrairement à d'autres pratiques culturelles qui sont mortes avec l'arrivée des colons, le marae reste aujourd'hui une part importante de la vie de tous les Maoris – même ceux qui ne s'impliquent pas activement dans la célébration de la culture maorie y sont allés au moins deux-trois fois dans leur vie, et connaissent les us et coutumes à observer sur place.

(Un peu comme nous en France avec l'église.)

(Moi je suis une athée élevée par des bobos, mais je sais quand même faire le signe de croix et réciter "Notre Père" et "Je vous salue Marie" – c'est un peu le minimum syndical.)

En Nouvelle-Zélande, on trouve en général un marae par village, et plusieurs dans les grandes villes. En général, chaque marae est consacré à un hapū (clan) : la tribu locale est le bénéficiaire légal du marae, et a la charge de son entretien.

Le marae est en général séparé du reste du village/de la ville par une enceinte en bois, parce que c'est un lieu sacré (tapu): on n'y entre donc pas comme dans un moulin, et il y a une multitude de règles à suivre une fois à l'intérieur.

Le marae, à quoi ça ressemble?




Le marae est peu ou prou toujours composé des mêmes bâtiments:

- Le wharenui (littéralement "maison-grande"), la maison de rassemblement, où l'on discute et où l'on dort;
- Le wharekai (littéralement "maison-manger"), le réfectoire;
- Le wharepaku (littéralement "maison-petite"), qui comprend les toilettes et les douches.
- Le marae ātea, la cour qui se trouve devant le wharenui (c'est aussi un endroit très important, même si ce n'est pas un bâtiment).

Ça, c'est le strict minimum. Les marae plus grands ont quelquefois des trucs en plus, comme le wharekarakia (église), le wharemata (morgue) ou le poukara (mât pour les drapeaux).

Peut-on accéder au marae si on ne fait pas partie du hapū/si l'on n'est pas Maori?

Oui, mais il faut avoir reçu une invitation formelle de la part du hapū, et même une fois invité, c'est pas genre "Viens, mets tes pieds sous la table". Les gens qui arrivent dans un marae pour la première fois (qu'ils soient Maori ou non) doivent passer par l'étape du pōwhiri (cérémonie d'accueil).

Contrairement à beaucoup d'idées reçues, le marae n'est pas fermé aux non-Maoris; en revanche, comme le but de l'endroit, c'est de célébrer la culture maorie, il est quand même nécessaire pour les visiteurs de s'y intéresser un minimum, et de savoir parler au moins un peu la langue (ne serait-ce que quelques mots appris par cœur et ânonnés péniblement). D'ailleurs, dans la majorité des marae, l'usage de l'anglais est, sinon interdit, du moins fortement déconseillé.

(Du coup, tu comprendras que c'est pas vraiment l'endroit que tu vas aller visiter pendant tes vacances.)

Le pōwhiri, c'est compliqué?


Ouais, hyper. Un pōwhiri formel, en grande pompe, peut durer facilement deux heures.

Une petite pensée au passage pour la famille royale, qui se tape des pōwhiri de trois-quatre heures à chaque visite.



(Ceci dit, ça reste toujours moins long qu'un match de cricket.)

Dans mon cas, j'ai été accueillie au marae de l'université où je prends mes cours (chaque université en Nouvelle-Zélande a son propre marae), et on a eu droit à un semi-pōwhiri, parce qu'on était un groupe assez grand à visiter pour la première fois, donc il fallait marquer le coup, mais en tant qu'étudiants à l'université, c'est techniquement NOTRE marae à nous aussi (il n'est pas assigné à une tribu en particulier).

La cérémonie est souvent adaptée au cas par cas (sinon ça prend des plombes).

Comment se passe un pōwhiri?



(Exemple de pōwhiri formel)

Le pōwhiri consiste en deux groupes qui se rejoignent pour n'en former plus qu'un: d'un côté, les manuhiri (visiteurs), de l'autre, les tangata whenua (hôtes).

Le pōwhiri est une cérémonie très codifiée, qui a plusieurs étapes distinctes:

D'abord, les visiteurs sont groupés hors de l'enceinte du marae (dans la rue, quoi) et les hôtes sont groupés dans la cour, le marae ātea. Dans les deux groupes, les femmes se tiennent devant, les hommes derrière. Puis, les femmes du marae entonnent un chant d'accueil, auquel les femmes du groupe de visiteurs répondent en chantant aussi. Les paroles du chant donnent quelque chose du genre:

- Yo salut les visiteurs, vous êtes qui?
- On est la tribu de X, descendants de Y, Z, etc.
- Vous venez pour faire la guerre ou comment ça se passe?

C'est une tradition des temps jadis, où comme les Maoris passaient leur temps à se faire la guerre, la coutume était de ne jamais laisser entrer des étrangers dans un village sans leur avoir demandé pourquoi ils venaient.

(Et pour ceux qui se demandent "Oui mais les gars ils peuvent mentir, non?" la réponse est : non.)

(Chez les Maoris on s'emmerde pas avec la stratégie: quand on vient pour faire la guerre, on arrive en criant C'EST LA GUERRE, y'a pas de lézard.)

(Les Maoris sont un peu les Leeroy Jenkins de la vraie vie.)

Ensuite, les visiteurs entrent, et les hôtes leur font un chant d'accueil avec une chorégraphie à base de branches d'arbres. 

(Ça c'est un truc très Maori, il faut toujours qu'il y a ait des chorégraphies) 

(C'est comme un peuple entier de Kamel Ouali).

Ensuite tout le monde s'assied (enfin!) et là c'est au tour des hommes de parler. 

Et ils vont parler, parler, parler pendant super longtemps, parce que le Te Reo est une langue très codifiée, et que les Maoris sont un peuple très formel, donc juste pour dire bonjour dans les règles, t'en as déjà pour cinq bonnes minutes.



(Oui, les Maori sont un peu les Ent de la vraie vie.)

Puis une fois que tout le monde a fini de parler, il y a encore des chansons et encore des chorégraphies, et ensuite c'est le moment du hongi.

Le hongi est une manière de dire bonjour, qui consiste à presser légèrement le front et l'arête du nez contre l'autre personne.



(J'ai dit "légèrement", hein.)

L'idée derrière le hongi est de mélanger les souffles – on partage donc notre essence vitale avec l'autre personne.

Autrefois, tout le monde (femme et hommes confondus) faisait le hongi, mais les colons Anglais jugeaient la pratique impropre entre personnes du sexe opposé, et l'ont replacé par une bise.

(Alors là, faut m'expliquer le raisonnement.)

("Non, c'est trop intime de poser ton front contre celui d'une femme. Embrasse-la plutôt sur le visage!")

Aujourd'hui, selon les marae, soit tout le monde fait le hongi, soit les femmes font le hongi aux hommes et la bise aux autres femmes, soit les femmes font la bise à tout le monde et les hommes font le hongi entre eux.

(Ouais, c'est compliqué.)

Une fois le hongi accompli, le tapu des visiteurs est officiellement levé, et tout le monde peut aller manger.

Qu'est-ce qu'on mange au marae?

La même chose que partout ailleurs en Nouvelle-Zélande : des trucs gras et frits. Question suivante!

Une fois les cérémonies terminées, qu'est-ce qu'on fait au marae?

On célèbre la culture Maorie en parlant te reo, on chante des chansons, les anciens racontent des légendes, et puis bien sûr on n'oublie pas les chorégraphies.



(Moi pendant les chansons, une illustration.)

On dort aussi sur place (parce que les légendes, ça prend du temps à raconter).

Bref, c'était un week-end super cool où j'ai appris plein de choses, notamment une légende COMPLÈTEMENT DÉMENTE sur la création du monde, mais ça j'en ferai un article à part parce que ça vaut son pesant d'or.

Je terminerai avec un petit snapchat de ma soirée:




 Je pense que tout est dit.