dimanche 26 mars 2017

Une semaine à Niue, partie II


Résumé des aventures précédentes :

(Previously, on the blog)

Donc Flaxou et moi on était partis pour une semaine de rêve sous les tropiques, pour se faire accueillir au bout de trois jours par la pluie la plus intense qu’on avait jamais vue.


(Super.)

(Cela dit, ça avait quand même l’avantage non négligeable de faire taire les poules ET de calmer les assauts des moustiques.)

On a quand même bravé la pluie assez longtemps pour se rendre à l’office du tourisme et s’enquérir d’une amélioration éventuelle:

- Ah non, là c’est parti pour au moins trois ou quatre jours! En fait, je suis même surprise qu’il ait fait beau depuis que vous êtes arrivés. Trois jours de soleil à la chaîne, ça n’arrive pas souvent en cette saison.

Eh oui, car il y avait une raison pour laquelle les vols pour Niue sont si peu chers en février-mars.

Répète après moi ton cours de géographie de CE2: « Le climat tropical est chaud et humide en été, chaud et sec en hiver. »

Et vraiment, le mot a retenir est “humide”, parce que MANDIEU COMME IL A PLU.

Il a plu des tonneaux, des barils, des cordes, des chats et des chiens.

Il a plu comme pas permis jusqu’à notre dernier jour, mais tu crois que ça va nous décourager après quatre ans à vivre submergés sous les quinze tonnes de flotte de la Nouvelle-Zélande ? Que nenni !


(En plus il faisait trente degrés dehors, donc la pluie était chaude.)

(Et puis comme ça au moins ça lavait un peu l’odeur de transpi.)

Le seul problème pour Flaxou, c’est qu’avec la pluie sont aussi venus des vents violents de l’Ouest, et ça voulait dire adieu la plongée, puisque la mer ressemblait à ça :


(Accueillant)

Du coup, comme il avait pas trop envie de mourir déchiqueté sur des coraux coupants, on a décidé de se rabattre sur des activités d’exploration de l’île.

C’est ainsi qu’on a découvert des endroits assez sympathiques, comme le Togo Chasm, qui nous promettait « de l’aventure et du frisson ».

Du frisson, j’en ai eu dès les premières minutes de marche dans la jungle, vu qu’elle était bourrée à craquer de huit millions de grosses araignées (qui en plus avaient toutes tendues leurs toiles pile en travers du chemin).


(Paye ton pays sans oiseaux.)

Et puis on a débouché hors de la forêt et sur le bord de mer, et c’était l’Emyn Muil.


Sans déconner, c’est pas juste mon imagination fertile, on est d’accord que c’est carrément super à fond l’Emyn Muil ?


Evidemment, j’étais aux anges, mais la suite de la balade nous réservait d’autres surprises – entre autres, un chemin qui finit par une échelle super glissante et raide, pour arriver sur une petite plage plutôt glauque :




J’ai notamment commencé à travailler un peu du ciboulot en avisant les nombreux restes de petits crustacés qui jonchaient le sol :

- Tu sais à quoi ça ressemble ?
- Non.
- A tous les films où le héros tombe sur des squelettes de petits animaux, avant d’arriver pile dans la tanière du monstre.
- Tu sais que c’est probablement juste un gros crabe qui a mangé les petits crabes?
- Mais un crabe gros COMMENT ?

 J’étais pas beaucoup plus rassurée en voyant les cicatrices sur les troncs des cocotiers :


- Tu penses que c’est quoi qui a fait ces entailles ?
- Surement des haches, ou des couteaux.
- Ou des PINCES DE CRABE GÉANT !
- Oye.

A partir de là, c’était fini.

- C’est joli cette petite gorge, tu trouves pas Cha ? Tranquille… A l’abri des regards…
- Aucune habitation à des kilomètres…
- Personne pour venir nous déranger….
- Pendant qu’on se fait DÉVORER VIVANTS !


(M’est avis que Flaxou avait d’autres idées en tête.)

Et puis il a commencé à pleuvoir des trombes et on est repartis se réfugier sous le couvert des arbres (et des araignées).

- Mais réfléchis, Cha ! S’il y avait vraiment un crabe géant mangeur d’hommes, pourquoi est-ce que l’office du tourisme nous enverrait juste sur son territoire ?
- EN SACRIFICE, FLA ! MON DIEU, T’AS JAMAIS LU UN CHAIR DE POULE ?!

(Je te jure, ce raisonnement de débutant.)

Parce que oui, les crabes a Niue, parlons-en.

Ils s’appellent ‘uga’ en niuéen, et ‘coconut crab’ en anglais, et c’est des trucs assez intéressants.

Les uga naissent dans l’océan, et commencent leur vie sur la plage. Comme leur carapace est molle et fragile, ils utilisent des coquillages pour se protéger (comme des bernard-l’hermite).


(Un bébé uga)

Puis ils migrent doucement de la plage vers la jungle, et au bout de quelques années, ils abandonnent leur coquillage pour une très jolie carapace chamarrée.



(Et presque chaque crabe a sa propre couleur !)

Les uga mangent principalement des noix de coco (d’où leur nom anglais) mais aussi des fruits, des insectes, des lézards, ou d’autres crabes. Ils sont très doués pour grimper aux cocotiers  parce qu’ils ramassent les noix de coco tombées au sol, et les hissent en haut de l’arbre pour les laisser tomber et briser la coque. Par contre, désolée du faux espoir, mais ce n’est pas eux qui sont responsables des cicatrices sur les arbres.

(Les marques viennent des habitants de l’ile qui, dans le temps, plantaient leur machette sur un tronc pour la retrouver facilement.) (Ca ne se fait plus aujourd’hui parce que le respect n’est pas mort et c’est cool.)

Les uga peuvent vivre jusqu’à 60 ans, et peser jusqu’à 5 kilos – autant te dire qu’on était moyennement rassurés quand on tombait dessus dans la forêt.

(En réalité, c’est eux qui devraient pas être rassurés – il parait que l’uga est délicieux.)

(On n’en a pas mangé parce que c’était la période de reproduction, donc c’est interdit de les chasser.)

Après, on ne les croisait qu'assez rarement, vu qu'ils sortent surtout la nuit. Là où on a rigolé, c'est quand on a fait la visite d'une ferme (oui ben on s'occupe comme on peut quand il pleut, hein) et que le guide nous a dit:

- Là c'est ma parcelle qui est juste en bordure de la forêt, alors je laisse des noix de coco ouvertes comme appâts, comme ça je viens récolter mes fruits et légumes, et le dîner en même temps!
- On va voir des crabes, alors?
- Ah non, c'est pas la saison, alors j'ai pas d'appâts. Mais si vous voulez en voir, je vais vous en trouver!

Puis il est parti dans la jungle en nous laissant debout au milieu des bananes, et il est revenu deux minutes plus tard en disant:

- Bon, celui-là est pas très gros, mais ça vous donne une idée!



OUI CA NOUS DONNE UNE BONNE IDÉE OUI JEAN-MI.

On a d'ailleurs pas mal aimé la visite de la ferme, puisque le gars s'arrêtait tous les trois mètres pour nous faire goûter tout ce qu'il faisait pousser:


- Là j'ai des papayes, vous aimez la papaye?
- Heu, ouais, un peu.
- Bon alors j'en cueille trois, une chacun.
- Okay!
- Et là j'ai des pastèques, vous aimez la pastèque?
- Ouais!
- Bon alors j'en cueille deux-trois aussi.
- Mais ça fait beaucoup quand mê...
- Vous aimez la noix de coco?


(Okay, ben noix de coco pour tout le monde alors)

Et c'était super cool parce qu'on a mangé des tonnes de fruits pendant que le mec nous expliquait sa manière de cultiver plutôt ingénieuse:

- Comme il n'y a pas assez d'humus partout, je laisse des terres en friche plusieurs années, et régulièrement, je viens couper tout ce qui pousse et je laisse les plantes pourrir pour former une couche fertile. 
- Et après, vous plantez quoi?
- Oh ben ce que j'ai sous la main. Tiens, ceux qui ne veulent plus de leur pastèque, jetez-là ici, ça fera une nouvelle plante.
- Mais vous avez des bananes ici!
- Oui, ben comme ça j'aurai des bananes et une pastèque.

(Attends que j'aille raconter à ma mamie que le mec il mélange les cultures dans la même parcelle.)

- Là j'ai mis du manioc et du taro, et au supermarché ils avaient une promo sur les oignons, alors j'ai planté des germes d'oignon. Tu vois, tu marches dessus.
- Oh pardon!
- Non, c'est bien! Chez moi on dit qu'il faut toujours marcher un peu sur les plantes, comme ça après elles sont furieuses contre toi et la rage les fait pousser plus vite.


(Egalement un truc que je vais devoir expliquer à ma mamie quand je piétinerai ses fraisiers.)

Bref, c'était hyper cool, on a appris plein de choses sur l'agriculture de Niue – notamment le fait que les cultures ici sont 50% vanille, 50% taro, et que si y'avait pas des cocotiers tous les mètres carrés ce serait 100% noix de coco, parce que sérieusement les gens ADORENT la noix de coco dans ce pays.


(Les Niuéns, une illustration.)

Elle est moins utilisée aujourd'hui, mais avant la démocratisation des avions et des importations, les habitants de Niue (et de toutes les îles du Pacifique) utilisent la noix de coco pour TOUT: les fibres pour tisser, la chair à manger, l'eau à boire, et la coquille comme récipients.

Et la noix de coco était d'autant plus vitale à Niue que l'île n'a aucune rivière – il y a de l'eau douce en réserve sous terre, mais il n'y avait que deux points d'eau douce à découvert sur toute l'île, et on est descendus en voir un et on a galéré même avec nos chaussures de marche:


(Vue d'en bas vers le chemin qu'il faut remonter pieds nus, chargés d'eau)

Du coup, la plupart du temps, les gens buvaient juste de l'eau de coco en complément du peu d'eau douce qu'ils pouvaient ramener tous les jours.

(Et une noix de coco, ça contient PLEIN d'eau, en fait!)


(Et elle est super bonne et sucrée et elle a pas le goût de noix de coco du tout!)

Bref, on est repartis de cette visite ravis et repus, et même avec du rab:

- Vous logez où?
- Avatele.
- Ah, vous êtes chez Ozwin! 


(On commence à avoir l'habitude.)

Et le mec de nous amener un sachet plein de taro et de bananes plantain, et nous disant:

- Vous prenez une moitié pour vous, et vous lui donnez l'autre.

Autant dire qu'on a festoyé pendant deux jours avec Ozwin.

Parce que le reste du temps, il faut avouer que c'était pas trop la fête niveau culinaire.

Tu te rappelles quand j'avais dit qu'on était arrivés hors saison touristique? 

Et la fois où j'ai dit que 95% des produits de l'île étaient importés?

Résultat: il y avait deux restaurants d'ouverts, et ils étaient MEGA CHER.

Donc pour pas casser le PEL, on a passé la semaine à manger des trucs pas cher qu'on pouvait faire dans notre kitchenette, alias: des trucs dégueu et bourrés de sel et de conservateurs.


(Moi devant mon dîner de raviolis en boîte.)

Et après quelques jours de poulet en conserve et de macaronis au micro-ondes, j'ai mis le holà en disant gentiment à Fla:

- BORDEL DE MERDE ON EST EN VACANCES SUR UNE ÎLE ET JE VAIS ALLER MANGER DU PUTAIN DE POISSON MAINTENANT OKAY?

On a donc atterri chez Kai Ika, parce que le nom me semblait un bon présage (kai = manger, ika = poisson) malgré le panneau devant qui disait "Sushi and New York style pizza" et qui nous a pas mal intrigués, parce que des sushi avec de la pizza, sérieusement?

En fait, comme on l'a appris plus tard du patron (qui est venu taper la discute parce qu'on était les seuls clients), le restaurant est le fruit d'une collaboration entre lui-même (un expat Israélien qui a une petite entreprise de pêche) et le chef (un expat Japonais et diplômé d'une école de sushi de Tokyo). Le patron ramène du poisson frais tous les jours, et le chef prépare des TUERIES de sushi avec.

- Et la pizza, dans tout ça?
- Ah ben ça c'est parce qu'il faut bien faire du chiffre. Vous savez, sur une petite île comme ça, on ne peut pas se permettre d'offrir seulement du poisson cru.
- Et qui la prépare?
- C'est moi, j'ai vécu à New York et j'ai bossé dans pas mal de pizzerias. Vous voulez goûter ma pizza à l'opah? 

(Spoiler alert: la pizza à l'opah c'est super bon.)

Bref bref.

Le reste du séjour s'est passé plutôt pépère, entre l'exploration du reste de l'île pendant les (rares) moments de soleil:



Et le visionnage de séries/lecture avec chats le reste du temps:


(BONHEUR TOTAL)

Mais toutes les bonnes choses (et au bout du compte notre argent) ont une fin, et c'était finalement le moment du départ:

- Merci pour tout, Ozwin. A qui est-ce qu'on donne la voiture, une fois à l'aéroport?
- Oh, ben laissez-là juste sur le parking avec les clefs sur le contact.


(Ce pays, mais sérieusement.)

On a aussi eu notre dose de dépaysement finale quand on est arrivés pour l'enregistrement et que les agents de sécurité ont ECRIT NOTRE BILLET A LA MAIN:


(Avé la faute d'orthographe dans mon nom de famille, mais à ce stade je pense qu'on s'en bat définitivement les couilles de toute façon.)

Bref, c'était notre semaine à Niue, c'était super duper, et j'espère que ça t'a plu autant qu'à moi!

(En vrai ça se peut pas.)

(Personne ne peut surpasser la hype de TROIS CHATS ET UN LIVRE.)

jeudi 16 mars 2017

Une semaine à Niue, partie I


Et donc Flaxou et moi on est partis en vacances à Niue.

Après 4 ans de vie en Nouvelle-Zélande et zéro vacances en dehors de la Nouvelle-Zélande, on a enfin réussi à sauter sur un deal pas cher pour la Polynésie, et donc c'était parti pour une semaine à Niue.

- Une semaine? C'est beaucoup pour une île. Tu veux pas plutôt faire 4-5 jours?
- Ben en fait, y'a qu'un seul avion par semaine.
- ....C'est grand comment, au juste?

Eh bien Niue, c'est grand comme RIEN.

C'est un minuscule caillou de 260 kilomètres carrés (soit à peu près la taille de Strasbourg) (mais juste Strasbourg, hein) (on compte même pas Schiltigheim ou quoi) et qui accueille dans les 1200 habitants, comme nous l'a expliqué notre hôte Ozwin (qui nous a loué un bungalow pour la semaine):

- En fait, au dernier recensement, on était officiellement 1500, mais c'est parce que c'était la haute saison touristique, et le gouvernement a donné des formulaires à tous les gens qui dormaient à l'hôtel ou avaient leurs yachts dans le coin.

Donc Niue, on l'avait compris, c'est un petit pays. (En fait, c'est le deuxième pays le moins peuplé au monde, derrière le Vatican.)

Mais on n'avait pas bien saisi à quel point c'était petit avant d'arriver à l'aéroport et d'avoir cette conversation surréaliste avec l'officier de l'immigration:

- Sur votre fiche d'entrée vous avez marqué "Avatele" pour l'adresse, mais ça ne me suffit pas, il faut une adresse complète.
- Désolée, je ne connais pas l'adresse exacte.
- Vous logez chez qui?
- Heu, je me souviens plus du nom de l'auberge, mais le patron s'appelle Ozwi...
- Ah, Ozwin! Ben fallait le dire! Il doit pas être bien loin, il était dans le même avion que vous. Bienvenue à Niue!

Et le mec d'écrire sur ma fiche de d'entrée "Avatele - at Ozwin's".

On a trouvé ça rigolo, mais on n'a vraiment saisi la dimension "grand village" de Niue que quelques minutes plus tard, quand Ozwin en question est venu nous trouver pour nous dire:

- Bon, je viens d'arriver comme vous, en fait, j'étais en vacances, donc pour la première nuit je peux pas vous héberger, il faut que je prépare la chambre.
- Mais on va dormir où alors?
- Prenez cette navette, vous resterez au resort pour une nuit, je prends tout en charge.

Sauf qu'en fait on est arrivés au resort et personne n'était au courant de rien. On a expliqué à la réceptionniste qu'on voulait une chambre mais qu'on ne voulait pas la payer, et elle nous a filé les clefs illico (et sans nous demander de preuve d'identité, de numéro de carte de crédit, ou quoi que ce soit) parce qu'on lui a dit:

- Notre hôte nous a dit qu'il devait préparer notre chambre, parce qu'il est rentré en même temps que nous...
- Ah, mais vous parlez d'Ozwin!



(Mais ce mec c'est le président, ou comment ça se passe?)

Enfin du coup, on se plaint pas, on a eu droit à une nuit gratos dans le resort le plus cher de l'île:



(Charlotte et Flaxou en vacances - deux images du bonheur.)

Cela dit, on aurait dû comprendre plus tôt que Niue était un pays vraiment, VRAIMENT petit, vu qu'en descendant de l'avion, c'était la police qui s'occupait de décharger les valises de la soute.

(Et deux jours plus tard, on a vu les mêmes policiers s'occuper de dégager un arbre qui était tombé en travers de la route.)

(J'en déduis que la lutte contre le crime à Niue n'est pas une occupation à temps plein.)

D'ailleurs, en parlant de flics, on a bien rigolé quand Ozwin nous a donné les clefs de notre voiture de location (bien obligés: il n'y a pas de transports en commun sur l'île) (c'est pas pour faire ma mauvaise langue mais on la sent bien, l'influence néo-zélandaise) et qu'on a vu qu'elle n'avait pas de plaques:

- Mais c'est pas illégal de rouler comme ça?
- Boh non, ça ira! De toute façon c'est la seule Toyota grise sur l'île.


(Ah bon ben ça va alors.)

Et on a encore plus rigolé une fois arrivés devant les bureaux de la police pour faire notre permis de conduire.

Car oui, à Niue, il y a littéralement huit routes, pas de ronds-points, de cédez-le-passage ou de feux rouges, mais il faut un permis de conduire Niuén pour rouler en voiture.

(Alors qu'on est d'accord que la seule compétence requise, c'est de savoir esquiver les nids-de-poule.)

C'est évidemment juste une formalité administrative, ils prennent ton permis néo-zélandais et t'en impriment un autre, ça prend 5 minutes et c'est une manière de faire un peu de sous pour le gouvernement (environ 25 dollars - une broutille).


(Et puis ça fait un joli souvenir!)

Bref, on est arrivés à la station de police dans l'illégalité la plus totale (soit: sans permis et avec une voiture sans plaques), tout ça pour s'entendre dire:

- Ah mais c'est vendredi aujourd'hui! Le bureau de police est fermé. Revenez lundi.
- Mais, en attendant....
- Oh ben vous pouvez conduire, hein, vous affolez pas. Vous êtes les Français, non? Ceux qui logent chez Ozwin?


(Sérieusement?)

(Ce mec est connu comme la Reine d'Angleterre, c'est incroyable.)

Et c'était le début de notre périple sur les routes de Niue.

Enfin, sur LA route - explications visuelles:


Alors ça, c'est Niue. Au milieu à gauche, c'est la capitale, Alofi - c'est là qu'on trouve le bureau de police, le bureau du gouvernement, l'office du tourisme, et aussi l'unique banque, l'unique poste, l'unique station essence et l'unique supermarché de l'île.

(Ah oui mais on avait dit que c'était petit, hein.)

Et pour te donner une idée de l'échelle, la route qui longe la côte fait 62 kilomètres de long - en gros, en deux heures, tu fais le tour de l'île.

Je dis deux heures parce que la vitesse est limitée à 60 km/h, et de toute façon tu roules moins vite que ça, vu qu'il faut slalomer entre les trous, les poules (j'y reviendrai) et les crabes géants (j'y reviendrai aussi).


(Coucou toi!)

D'abord, arrêtons-nous un instant sur la géographie de Niue.

Niue se situe entre les îles de Tonga, Rarotonga et les îles Cook:


C'est une destinations de vacances prisée des Néo-Zélandais, et uniquement des Néo-Zélandais, vu que le reste du monde ne se doute même pas de son existence.

(Il n'y a d'ailleurs qu'une seule compagnie aérienne - Air New Zealand - qui assure les vols de et vers Niue, et qu'un seul trajet - Niue-Auckland.)

Niue a une géographie très différente des autres îles du Pacifique, qui sont des îles volcaniques, parfois cerclées d'une barrière de corail (comme la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie Française) et parfois non (comme la Nouvelle-Zélande ou Hawaï). Niue, en revanche, est une île FAITE de corail, qui a été élevé au-dessus du niveau de la mer par un volcan sous-marin (depuis longtemps éteint).

En gros, c'est une patate de corail, recouverte de trente centimètres de terre, plantée au milieu de l'océan.

Du coup, Niue n'a pas de barrière de corail (donc pas de jolis lagons bien calmes où se baigner tranquillement), et pas de plages de sable blanc s'étirant à l'infini. A la place:

IL Y A 


DU CORAIL


PARTOUT!


Il y a tellement de corail que c'est très difficile d'accéder à la mer, parce que l'île entière est surélevée, et entourée par des falaises de calcaire de 20 à 25 mètres de haut.


(Et même une fois en bas, c'est pas vraiment une plage à baignade.) 

La côte Ouest est d'ailleurs la plus habitée et la plus touristique de l'île, puisque c'est celle qui compte le plus d'accès à la mer, et (grande importance) la seule plage de sable de l'île - qui fait genre dix mètres de long.


(Ta-daaaah!)

Donc, tu l'as compris, Niue n'est pas du tout une destination "soleil, plage et farniente" mais plutôt "corail, aventure et plongée".

Elle a aussi l'immense avantage pour les plongeurs de posséder les eaux les plus claires du Pacifique, comme on l'a appris en arrivant:

- Alors comme ça vous êtes là pour la plongée?
- Oui, enfin surtout le snorkeling.
- C'est dommage que vous arriviez en saison des pluies, l'eau est beaucoup moins claire en cette période de l'année.
- Ah bon?
- Oh oui. Moi je plonge qu'en saison sèche. Là, en ce moment, on voit bien jusqu'à, quoi? Trente mètres. Tout au plus. C'est nul.

La tête de Professeur Flaxou en entendant ça:


(Mais effectivement, en saison sèche, on peut voir jusqu'à 80 mètres de profondeur sans problème.)


(Exemple à l'appui.)

Donc Niue reçoit quelques touristes Kiwis, qui viennent en majorité entre juin et août fuir l'hiver néo-zélandais (10-12 degrés et de la pluie en continu) et profiter de l'"hiver" Niuén (23-25 degrés et grand soleil).

Mais même en haute saison, les touristes sont plutôt rares, rapport au manque de plages et au fait que la baignade est, sinon impossible, du moins pas mal dangereuse (vu que c'est direct l'océan qui vient te taper dessus). D'ailleurs, pour les curieux, la quasi-totalité de l'argent qui entre dans le pays vient des subventions de la Nouvelle-Zélande (et le reste d'activités fiscales, disons, "douteuses") (humhumPanamaPapers).

L'avantage pour nous, dans tout ça, c'est qu'on a été choyés comme pas possible par une meute de locaux tous plus gentils les uns que les autres, à commencer par notre hôte (le fameux Ozwin) qui nous a sauvé la vie dès le premier jour, quand on a essayé d'acheter de la crème solaire dans une petite boutique du centre-ville:

- Ah non désolée, j'en ai pas. Essayez l'office du tourisme.

A l'office du tourisme:

- Ah non, on est à court. Vous avez essayé le supermarché?

Et au supermarché:

- Désolé, il n'y en a plus. Le bateau arrive à la fin du mois, on n'en aura pas avant.

OKAY.



Autant te dire que j'étais déjà résignée à revenir rouge comme un homard, jusqu'à ce qu'on fasse part de nos mésaventures à Ozwin, et qu'il vienne toquer à notre porte le lendemain avec un pot d'indice 50 en disant:

- J'ai pris la voiture hier et j'ai fait le tour de tous les hôteliers de l'île; vous avez de la chance, y'a un copain qui a trouvé cette bouteille que des touristes ont oublié.

Nous:


Armés de notre protection solaire, on est donc partis à l'attaque des récifs:


Comme la plongée et le snorkeling c'est pas trop mon truc (rapport au fait que je flippe ma mère dès que j'ai plus pied) (ah et aussi est-ce que j'ai mentionné que j'ai peur des poissons? Oui ben voilà), je suis donc partie explorer les merveilles de la marée basse, et j'ai vu des trucs bien cools:


(Un coin pas trop dégueu.)


(Un joli poisson dans un trou d'eau.)


(Un crabe trop badass.)



(Des grottes juste un peu glissantes.)

Et puis je suis allée attendre que Flaxou meure d'hypothermie se décide enfin à sortir de l'eau:


(Il a passé deux heures juste dans ce bassin.)

Il est finalement ressorti tout violet ravi:

- Alors, c'était comment?
- Génial! mais t'aurais pas aimé.
- Y'avait beaucoup de poissons?
- Ouais tout plein, et en plus j'ai vu un serpent de mer! Il s'est approché tout près de moi, il était super joli!

Une anecdote qui s'est révélée très intéressante le lendemain, quand on s'est rendus à l'office du tourisme et qu'on a appris que ce serpent de mer s'appelait le katuali, et qu'il était HAUTEMENT VENIMEUX, cf. Wikipedia qui en rajoute pas du tout des tonnes:


(Merci, gros.)

(Bon en fait, pour les curieux, c'est effectivement un serpent super dangereux, mais sa mâchoire est trop petite pour mordre les humains, donc ça va.)

S'en sont suivis deux jours de snorkeling pour Fla et de glandouille pour moi – journées absolument pas perdues dans l'ennui, vu que j'avais à ma disposition:

1. Ma copie de American Gods que j'avais commandée à la bibliothèque quatre mois plus tôt et qui était ENFIN arrivée la veille de notre vol, si ça c'est pas du cul bordé de nouilles;

2. DES CHATS TROP MIGNONS ET TROP GENTILS EST-CE QUE J'AI DÉJÀ MENTIONNÉ À QUEL POINT J'AIME LES CHATS???


Rappel pour ceux qui ne suivent pas dans le fond: je suis une mémé à chats au plus profond de mon âme, mais on ne peut pas avoir de chat à la maison parce que Flaxou est allergique et ça me déchire le cœur à chaque instant, alors je compense en me jetant sur tous les félins que je trouve en hurlant "MINOU LAISSE-MOI T'AIMER!"

Et là, bonheur suprême: les voisins de notre bungalow étaient partis en vacances, et ils avaient non pas un, non pas deux, mais TROIS chats tous plus mignons et en manque d'attention les uns que les autres.


Autant te dire que c'est haut la main mon meilleur souvenir de toutes les vacances.

(La meuf part aux tropiques et son truc préféré c'était les chats des voisins - EH BEN OUAIS)


(Ma vie de vieille veuve, un aperçu)

Bref, on était arrivés mine de rien à la moitié de nos vacances, quand on s'est réveillés un matin et on n'entendait pas les poulets hurler.

Oui, parce que, parenthèse: il y a des poules PARTOUT sur l'île :


(Même au resort, ils arrivent pas à les faire dégager.)

Personne ne s'en occupe, mais personne ne les mange non plus (c'est du boulot de tuer, plumer et éviscérer un poulet quand il y a du poulet de Nouvelle-Zélande au supermarché pour relativement pas cher) et comme il n'y a pas de prédateurs, ils prolifèrent dans tous les sens.

Et donc, autour de notre maison, il y avait des dizaines de coqs, qui, contrairement à ce que les Contes du Chat Perché m'avaient appris, ne chantent PAS au lever du soleil, mais à la place GUEULENT LEUR MÈRE TOUTE LA PUTAIN DE NUIT.

Le dialogue des coqs, interprété par moi pendant mes nuits d'insomnie:

- GEEEEUUUUURGLLEUUURGH
- QUOIIIIII?
- C'EST LE MATIIIIIN!
- MAIS IL EST DEUX HEURES!
- DEUX HEURES DU MATIIIIIIIIN!

Et voilà qu'un matin, je me réveille à la lueur du jour, et à travers mes boules quiès, je n'entends que les vagues ronflements de Flaxou.

- Eh Fla?
- Mmmmh?
- Tu penses que j'ai enfin réussi à les égorger par le pouvoir de mon esprit?
- Non, je pense que c'est la pluie.
- La pluie?



AH OUAIS PEUT-ETRE.


Les vacances vont-elles être sauvées? La pluie va-t-elle cesser?

La suite bientôt!

(Cliffhanger terrible!)

(LOL TROP PAS IL A PLU JUSQU'AU DERNIER JOUR AHAH.)