dimanche 25 février 2018

Vis ma vie de femme des bois


Et donc ça fait quelques mois que j'habite Kaysersberg.

Kaysersberg, pour ceux ou celles qui ne connaîtraient pas (HONTE A VOUS) (c'était le village préféré des Français en 2017) (vous n'avez aucune excuse, même si vous êtes des gens de l'intérieur) (on a eu Stéphane Bern qui est venu avec la télé, et tout) Kaysersberg, donc, c'est un charmant village médiéval niché au coeur de l'Alsace, et où ma famille habite depuis des générations.

On fait tellement partie des meubles que ma mamie a sa photo au musée Schweitzer - true story.


(Bon, okay, c'est techniquement une photo d'Albert Schweitzer et il s'avère qu'elle est aussi dessus, MAIS QUAND MÊME.)

Bref, c'est un endroit que j'adore, et j'étais super heureuse de retourner y habiter en rentrant de Nouvelle-Zélande.

SAUF QUE.

Sauf qu'apparemment, habiter dans un village médiéval, ça veut dire VIVRE A L'EPOQUE MÉDIÉVALE, si j'en crois les déboires essuyés ces dernières semaines.

D'abord, j'ai dû réapprendre à vivre avec EJP.

EJP, pour les gens qui ne vivent pas à la montagne, c'était une offre EDF des temps jadis (ça se fait plus, mais les gens qui y étaient inscrits peuvent la garder) où, en gros, tu payes l'électricité moins cher pendant l'année, mais en contrepartie, EDF choisit 27 jours dans l'année où l'électricité coûte quatre fois plus cher. Evidemment, ils choisissent toujours des journées d'hiver, vu que c'est là que tu utilises le plus de courant. Donc EJP, c'était une bonne option pour les gens qui se chauffaient au bois, au gaz ou au fioul, parce que du coup, pendant les journées EJP, on mourait pas de froid, il fallait juste faire gaffe à pas consommer trop d'électricité.

Et dans notre maison, on a EJP (vu qu'on n'a qu'un seul compteur pour les deux appartements). Et comme on se les pèle grave depuis début février, on a enchaîné journée EJP sur journée EJP, et ce serait pas vraiment chiant si je passais pas un tiers de mon temps à bosser de la maison - temps que je passe en général à préparer mes cours et à faire mes corvées et tâches ménagères, mais qui devient vachement moins productif quand je ne peux pas faire de lessive, passer l'aspirateur ou utiliser le four, ou encore quand il me faut DIX MINUTES pour me faire un thé parce que je dois faire bouillir mon eau dans une CASSEROLE comme une CRO-MAGNON.

Et même les jours où je bosse toute la journée et que je suis seulement chez moi le soir, c'est quand même un peu soûlant de se réchauffer des restes à la poêle au lieu d'utiliser le micro-ondes, ou de laisser tomber Skyrim pour aller lire dans mon lit à 20h30, à la lueur de ma chandelle.


(#soiréesdefolie)

Et Flaxou n'aide pas du tout, puisque Monsieur "j'ai pas grandi avec EJP mais par contre mon daron bossait chez EDF alors laisse tomber comment j'ai jamais éteint une lumière de ma vie" n'arrive pas à comprendre le principe d'économiser l'électricité.

Alors oui, certes, peut-être que je pinaille quand je refuse d'utiliser l'énergie somme toute pas bien conséquente de l'ampoule de ma lampe de chevet. Peut-être aussi que j'ai un peu exagéré l'autre jour, quand j'ai arraché une tranche de pain congelé de la main de Flaxou en hurlant "MALHEUREUX ! PAS LE GRILLE-PAIN!"

Mais voilà, j'ai été élevée dans une maison où EJP c'était sérieux, et je soupçonne que comme on n'est pas chrétiens, c'est un peu ce qui fait office de carême pour nous autres hérétiques.

(Et en plus les appareils à résistance, c'est ceux qui consomment le plus, alors un grille-pain, quoi!)

Mais il faut croire qu'apparemment c'était pas suffisant de s'éclairer à la chandelle, et l'univers a décidé de nous faire avancer un pas plus loin dans le RP médiéval en nous coupant l'eau pendant une semaine.

Correction : on avait l'eau, mais on n'avait pas le droit de la faire couler.

En gros, la conduite d'eau était bouchée. On a fait venir un mec pour la réparer, qui a mis une sonde dans le tuyau et a dit:

- Ouais, alors en fait vos tuyaux sont en grès, ils doivent dater des années mille, et ils sont complètement pétés, y'a des racines qui obstruent tout, faut tout remplacer.

C'est là qu'on a découvert que les trois logements de la famille (l'appart de ma mamie, le nôtre, et la maison de mon père) sont connectés au même système d'évacuation d'eau, qui avait été posé par mon grand-père quand il a construit la maison principale dans les années 50, et qu'apparemment il avait pas tout fait entièrement aux normes, parce que c'était beaucoup trop d'eau à faire passer dans des tout petits tuyaux.

Bref, des gars sont venus creuser une nouvelle tranchée, mettre des vrais tuyaux dedans, et raccorder tout ça au tout-à-l'égout (parce qu'apparemment, on croyait être déjà raccordés, mais en fait...non?)

Et ils nous ont dit :

- Les travaux vont durer deux jours, et pendant ces deux jours, il ne faudra pas utiliser d'eau, parce que tout va s'écouler directement dans la tranchée. 

Sauf qu'en fait, les deux jours se sont transformés en cinq jours, parce qu'en creusant, les ouvriers sont tombés sur des trucs qui étaient pas sur les plans, c'est-à-dire d'autres tuyaux, et aussi une PUTAIN DE LIGNE A HAUTE TENSION que personne n'a pensé à signaler, apparemment.

(Normal.)

Donc, j'ai passé cinq jours sans faire vaisselle ni lessive, à me laver les cheveux chez ma mère et à cracher mon dentifrice dans un seau sous le lavabo.

(J'ai officiellement un seau à crachats, nique ma vie.)

Une fois toutes ces péripéties terminées, on était bien contents de revenir à notre quotidien normal.


Mais il restait toujours un problème de taille dans notre foyer de geeks : Internet.

Plus précisément, le débit Internet.

Parce qu'il faut savoir qu'on a souffert cinq ans en Nouvelle-Zélande avec un ADSL poussif digne de 2007 (alors qu'on était quand même dans la plus grande ville du pays), et donc, en rentrant en France, on se réjouissait à l'idée d'avoir enfin un Internet correct.

(C'était probablement numéro deux sur ma liste des choses pour lesquelles je me réjouissais, après "revoir ma famille et mes amis".)

(Pour Flaxou, c'était numéro un, je pense.)

Sauf que, par un malheureux concours de circonstances (que je ne m'explique pas bien parce que je comprends pas vraiment comment marche Internet, pour tout te dire), on s'est retrouvés à Kaysersberg avec une connexion encore PIRE que ce qu'on se traînait à Auckland.

(Moins d'un méga.)

(Si ça te dit quelque chose, tant mieux pour toi.)

Si ça te dit rien, je t'illustre ça : on ne pouvait pas regarder deux vidéos Youtube en même temps sur nos deux PC, tellement le truc ramait.

Si je voulais charger une vidéo à 720p, je devais la mettre en route, faire pause, aller me faire un thé, et revenir cinq minutes plus tard pour qu'elle ait eu le temps de charger.

Et Netflix, c'était environ l'équivalent d'essayer de regarder Canal + en crypté.

Donc, tu l'as compris, c'était l'horreur absolue, on avait envie de mourir.

(Ah ben oui mais j'avais prévenu qu'on était des geeks.)

Donc j'ai fait des démarches pour changer d'opérateur, et j'ai souscrit à une nouvelle offre avec celui qui me promettait les monts et merveilles de huit mégas de débit:

- Et donc, les huit mégas, vous pouvez me mettre ça par écrit?
- Ben... non, c'est pas dans le contrat.
- Comment vous pouvez me garantir huit mégas, alors?
- Ben, on va sur la page de test, on tape votre adresse, comme ceci, et voyez, ça nous dit : huit mégas.
- OK super, alors maintenant ce que vous allez faire, c'est une capture d'écran du truc qui dit "huit mégas", et vous me l'envoyez pas mail.
- Mais je...
- JE ME FERAI PAS BAISER DEUX FOIS JACQUELINE!


Donc j'ai signé mon nouveau contrat, et la dame m'a dit:

- Alors il faudra quand même résilier officiellement chez votre ancien opérateur, et leur renvoyer leur box. Votre nouvelle ligne avec nous sera opérationnelle dans les dix jours.
- Ça veut dire que je vais avoir dix jours sans Internet du tout?
- Ha ha, non non! Un à deux jours maximum. Vous savez, le temps qu'ils coupent la connexion, ça va mettre un moment.

Le soir même, je reçois un SMS totalement enjoué de mon nouvel opérateur:

- Bienvenue chez nous ! On est tellement contents que vous nous ayez choisi! Votre ligne sera opérationnelle au plus tard le 6 mars. Vous allez voir, ça va être super! A bientôt, bisous bisous!

Et, deux minutes plus tard, je reçois un autre SMS de mon ancien opérateur, sur un ton un chouïa différent:

- Alors comme ça, tu nous quittes? Après tout ce qu'on a fait pour toi? C'est bon, on a compris. Merci de nous tenir au courant, hein, non mais vraiment, merci. Okay, sale traîtresse, voilà comment ça va se passer : tu peux nous envoyer la box par recommandé (on a pas envie de voir ta sale tête de toute manière) et de notre côté, on va brûler ta photo et oublier ton visage. ADIEU. 

(Le plus marrant est qu'ils ont fait suivre le SMS de rupture par un SMS d'évaluation de leur services, ce qui était un peu l'équivalent d'un ex qui te rappelle deux minutes après t'avoir dit adieu pour toujours pour te crier "DIS-MOI CE QUI N'ALLAIT PAS, JE PEUX CHANGER, NE ME QUITTE PAS, IL FAUT OUBLIER, TOUT PEUT S'OUBLIER".)

Et, comme après une vraie rupture, il semblerait que mon ancien opérateur soit devenu amer et qu'il essaye de se venger comme il peut, parce que le lendemain, j'avais plus d'Internet.

S'en sont suivies une bonne heure au téléphone avec les deux opérateurs, tout ça pour tenir les deux conversations suivantes:

- Oui bonjour, j'ai plus Internet.
- Ah c'est pas nous! Ça doit être votre nouvel opérateur qui a écrasé la ligne.

- Oui bonjour, j'ai plus Internet.
- Ah c'est pas nous! Ça doit être votre ancien opérateur qui a décidé de tout couper.


(Putain, vous me fatiguez déjà.)

- Et du coup, vous faites quoi de votre côté? Vous allez m'installer Internet bientôt?
- Ah ben comme on a dit, on vous connecte vers le 5 mars.
- "Au plus tard" le 5 mars, vous voulez dire?
- Ha ha oh attendez, je passe dans un tunnel.....

Donc, au lieu d'avoir un Internet merdique, j'ai désormais pas d'Internet du tout (je te poste ce message depuis la wi-fi de ma maman), et j'ai toujours pas le droit d'utiliser mon micro-ondes ou mon sèche-cheveux.

Mais je suis quand même contente parce qu'au moins, cette semaine, je peux tirer la chasse.

(Les petits luxes du quotidien.)